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Production du sucre à Savè Sucre béninois, clients étrangers

Le Bénin, à travers la Sucrerie de Complant du Bénin (Sucobe) gérée par les Chinois depuis février 2003, produit du sucre. Mais ce sucre est en quantité insuffisante sur le territoire national.

Dans le tintamarre matinal qui réveille le marché international de Dantokpa ce mercredi 16 novembre, Hibrahim Yacoubou, jeune pousse-pousseur avec son chargement de sucre Saint Louis, se fraie un passage parmi les usagers de ce marché. Dame Yvonne Assongba, propriétaire de la marchandise, suit attentivement sa cargaison jusque sur les étalages de vente. A l’instar de cette vendeuse, le marché Dantokpa compte assez de vendeuses de sucre. Parmi toutes les marques de sucre enregistrées sur les étalages, aucune trace du sucre Sucobe, made in Bénin. "Cela fait plusieurs années que je vends du sucre, mais je n’ai jamais vendu du sucre produit au Bénin.

Je sais qu’on fabrique du sucre au Bénin, mais ce sucre n’existe pas sur le marché pour qu’on puisse en acheter", ajoute Yvonne Asongba. Toutes les marques de sucre : Saint Louis, Spécial sugar, Beighin Say… qu’elles vendent sont importées du Brésil et d’autres pays. "Je ne vends que du sucre. Auparavant, je vendais aussi du sucre 3S (Société sucrière de Savè). Mais depuis que l’usine a été fermée, ce sucre a disparu du marché. Il semble que les activités de cette usine avaient repris, mais je ne sais même pas quelle couleur de sucre sort de cette nouvelle usine", déclare Mouina Akiyo une autre vendeuse. Et pourtant, quelque part dans le département des Collines, il existe depuis février 2003 une industrie sucrière.

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L’Usine de fabrication du sucre Sucobe à Gobé dans la commune de Savè

Un empire de cannes-à-sucre

Gobé, un village de la commune de Savè, situé à quelques 250 km au nord de Cotonou, la métropole économique. Ici, se dressent les installations de la Sucobe (Sucrerie de Complant du Bénin). L’immensité de la verdure des champs de canne-à-sucre rassure que nous sommes dans une usine de fabrication du sucre. Au cœur de cette plantation qui s’étend à perte de vue, est implanté un gigantesque bâtiment, c’est l’usine de fabrication du sucre. Le grincement des dents des moulins mêlé au ronflement des moteurs des vannelles chargées de cannes-à-sucre, qui se font peser sur le pont bascule, annonce le long processus de fabrication du sucre. L’entassement des cannes-à-sucre dans la cour à cannes est la première étape de ce processus qui permettra aux clients d’avoir du sucre.

"A ce niveau, les cannes sont débarrassées des déchets. Elles sont acheminées par la suite vers les moulins où elles sont broyées pour extraire le jus. Après l’extraction, nous avons la bagasse (déchets) et le jus. Le jus obtenu va à la pesée pour savoir son volume parce qu’à une quantité de canne, doit correspondre un volume de jus et de sucre. Ce jus passe à l’épuration-évaporation pour éliminer les déchets. Une fois le jus épuré et évaporé, c’est la section cuite qui suit. A ce niveau, le jus est évaporé jusqu’à l’obtention des cristaux dans un liquide appelé masse-cuite. Quand on turbine cette masse-cuite, nous avons du sucre. Ce sucre va directement à l’ensachage et au stockage et ceux qui veulent acheter, viennent pour en prendre", décrit avec précision Prince Djoko, opérateur au secteur épuration-évaporation.

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Des vannelles remplies de cannes-à-sucre pour la fabrication du sucre

La destination du sucre Sucobe

Ce sucre fabriqué est-il destiné à être vendu sur le marché local ou ailleurs ? En réalité, l’achat de ce sucre n’exclut personne. Seulement sur le site de l’usine, il n’y a pas de vente en détail et la vente en gros commence à partir de 35 tonnes. A cette quantité, la tonne revient à 440.000 à l’acheteur. Mais à partir de 500 tonnes, il paiera 435.000 F Cfa la tonne. C’est le principal critère qui exclut la grande partie des commerçants béninois car, ils seraient des semi-grossistes et des détaillants et n’auraient pas la capacité de débourser d’importantes sommes. Mais ce sucre serait vendu sur le marché national. "Notre sucre est bien sûr disponible sur le marché béninois, peut-être pas en quantité suffisante parce que notre production varie entre 16.000 et 20.000 tonnes par an", assure Zhang Xi, attaché commercial de Sucobe. Mais les grossistes béninois ne se bousculent pas à Sucobe pour rendre ce sucre disponible sur les marchés de Cotonou. "Ne voyez seulement pas le marché Dantokpa. La plupart de nos clients viennent de Parakou à cause de la proximité. Donc, si vous allez à Parakou, vous verrez du sucre Sucobe sur le marché. Notre sucre est aussi disponible à Dantokpa dans une rue en allant à "Adjégounlè". Moi-même, je viens de Cotonou et je faisais parfois des tours sur les étalages pour voir comment ça se vend. Il faut l’avouer, ce n’est pas en grande quantité car c’est seulement le ¼ de notre production qui est vendu sur le plan local, mais si vous cherchez bien, vous trouverez, Ces temps-ci, notre sucre n’est pas disponible sur le marché de Dantokpa parce que nous venons de commencer la production. Ici, nous produisons du sucre à partir de novembre pour terminer fin février ou début mars de l’année suivante. Mais à partir de décembre, vous pouvez retrouver notre sucre sur le marché", poursuit Zhang Xi.

Pas de vente en détail

"Aucune usine au monde ne vend ses produits en détail, ce n’est pas son rôle. L’usine vend aux grossistes, les grossistes le revendent aux semi-grossistes et les semi-grossistes à leur tour vendent aux détaillants. Si les grossistes viennent vers nous, c’est avec plaisir que nous allons leur vendre du sucre", ajoute Samuel Tèko, chargé des ressources humaines de la Sucobe. A en croire l’attaché commercial, la Sucobe aurait gagné beaucoup à vendre du sucre sur le marché national. Malheureusement, la demande est très faible. "La vente locale est plus rentable, mais il faudrait attendre beaucoup pour espérer enregistrer d’éventuels clients, ce qui n’arrange pas l’usine. On n’a pas le temps d’attendre, il faut faire tourner l’usine afin qu’on puisse faire face à nos charges. Mais l’année dernière, il y a la Sobebra qui était venue pour acheter 2.000 tonnes. Malheureusement, on tendait vers la fin de la vente, car la saison de production va de novembre d’une année à fin février ou début mars de l’année suivante. Elle n’a trouvé que 800 tonnes. A part la Sobebra qui est venue une seule fois, il n’y a que de petits clients qui viennent acheter notre sucre entre 100 et 150 tonnes. Or, notre production varie entre 16.000 et 20.000 tonnes par an. Vous comprenez qu’on ne peut pas viser seulement le marché national", précise Zhang Xi. Pour tirer son épingle du jeu, la Sucobe vise le marché international ainsi, les ¾ de leur production sont destinés pour être vendus à l’étranger. "Ce sucre produit est exporté en grande partie vers l’Europe et la Chine. C’est ça qui fait qu’on observe la pénurie de notre sucre sur le territoire béninois. Les Chinois de la Sucobe gagnent plus dans l’exportation, raison pour laquelle ils tournent leurs regards vers l’extérieur", indique Prince Djoko. "Les Chinois sont des commerçants et c’est une société privée. Ils sont venus se faire de l’argent. S’il n’y a pas de l’argent sur le plan local, il s’oriente ailleurs", poursuit Prince Djoko. "Nous exportons la grande partie de notre sucre vers les pays de l’Europe tels que la France, l’Angleterre", confirme l’attaché commercial. Mais en 2010, le Burkina-Faso a eu l’honneur de goûter à la saveur du sucre béninois. "L’année dernière, nous avons vendu 1.000 tonnes au Burkina-Faso", précise Zhang Xi.

Malgré la faiblesse de la demande nationale, la Sucobe compte augmenter sa production. Désormais, elle produira à partir de 20.000 tonnes par an à condition que la matière première soit suffisamment disponible. Et cette matière première consiste à la disponibilité des cannes-à-sure qui doivent être suffisamment coupées par des coupeurs. "Actuellement, la production est arrêtée parce qu’on n’a pas trouvé assez de coupeurs de cannes-à-sucre (Ce sont des habitant de Savè et ses environs. Ils sont payés à 1000f cfa par ligne de 100 mètres NDR). Si la matière première n’est pas disponible, on ne peut pas continuer la production. Nous avons donc besoin d’assez de coupeurs de cannes-à-sucre afin d’augmenter notre production", a projeté l’attaché commercial. "les 1000 f qu’on nous paie sont insuffisants par rapport à ce que nous faisons : couper les cannes, les débarrasser de leurs feuilles. C’est un travail à risque car on peut se blesser ou être mordu par des serpents. Mais parce que nous n’avons pas mieux à faire, on se contente de cela. C’est parce qu’ils ne paient pas bien que les gens ne veulent pas venir couper, sinon il y a assez de jeunes dans la commune de Savè et autres qui peuvent faire ce travail. Mais ils préfèrent vivre dans leur galère que de se livrer à ce travail", explique un coupeur de Sucobe.

Aussi longtemps que cette situation durera, le sucre Sucobe sera en quantité insuffisante sur le territoire national et la grande partie de la production sera vendue à l’extérieur.

Enquête réalisée avec l’appui de l’UPMB sur financement du Padeg/Danida



07/01/2012
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