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PRESENTATION DU THEME ''CULTURE ET SOCIALISATION'' par le president du MOPJAD

                                        

                                              Introduction

       Au-delà de leurs différences individuelles, les membres d'un groupe ou d'une société ont des façons de penser et de se comporter qui présentent des similitudes. La culture, loin d'être un stock de connaissances scientifiques, artistiques ou littéraires d'un individu représente au sens anthropologique ces manières de faire et de penser, propres à une collectivité humaine. La culture est donc un processus par lequel nous attribuons du sens à la réalité qui nous entoure, aux évènements qui nous arrivent et aux relations que nous établissons avec les autres. Cette construction permanente de nous-mêmes, cette socialisation, est à la fois répétition car nous reproduisons des façons d'agir qui nous ont été apprises et renouvellement, transformation car nous intégrons sans cesse de nouveaux éléments à nos acquisitions antérieures. Il s'agit donc ici de comprendre à la fois ce que sont les méthodes sociologiques, de réaliser une approche anthropologique de la culture et d’analyser le processus de socialisation  


                       1- Les méthodes sociologiques

Dans toute activité scientifique intervient nécessairement une phase où le chercheur teste ses hypothèses théoriques et les confronte aux faits. Il lui faut alors choisir judicieusement les outils qui lui permettront d'analyser le réel. La sociologie qui est la science des phénomènes sociaux, des mécanismes qui président à leur déroulement et des comportements des individus en tant qu'acteurs sociaux, ne fait pas exception à la règle. Elle dispose de toute une panoplie de méthodes d'enquête qui lui permettront de produire au mieux les données accordées à ses objectifs de recherche.

1.1         Les deux familles de méthodes

L'éventail des méthodes sociologiques étant fort large, une distinction consiste généralement à les classer selon catégories :

  • Les méthodes qualitatives ont pour objectif d'étudier en profondeur des populations peu nombreuses (un village, une entreprise, une classe…) et reposent essentiellement sur l'observation directe. Elles cherchent à faire ressortir les particularités des groupes étudiés et à comprendre la rationalité de leurs comportements en situation.
  • Les méthodes statistiques visent la quantification des modèles sociaux grâce au recueil des données auprès de populations nombreuses et représentatives. Elles s'appuient sur la technique du questionnaire auprès d'un échantillon, c'est à dire auprès d'un sous-ensemble tiré d'un ensemble plus vaste et présentant les mêmes caractéristiques, la même composition interne que l'ensemble. L'échantillon choisi doit donc être de grande taille et à caractère représentatif pour que les réponses individuelles des enquêtés soient généralisables. L'objectif recherché est en effet la production de données chiffrées extrapolables à l'ensemble de la population étudiée.

Malgré leurs différences, méthodes qualitatives et quantitatives ne sont pas incompatibles, car elles peuvent très bien être combinées au cours d'une même recherche. Il ne s'agit pas non plus de chercher à les hiérarchiser car la bonne méthode est celle qui est pertinente par rapport à l'objectif visé.


              1.2 Limite des deux méthodes

Les méthodes qualitatives, si elles favorisent une connaissance de l'intérieur des phénomènes étudiés, risquent de sous-estimer le poids des variables macro-sociales qui débordent le champ des cas étudiés et posent problème quant à la généralisation des résultats obtenus. De plus l'implication directe du chercheur dans son objet d'étude risque d'influencer le résultat de l'enquête.

Les méthodes quantitatives quant à elles permettent de mesurer avec précision des faits caractéristiques d'une collectivité donnée et de dégager des tendances générales. Néanmoins si elles saisissent des généralités statistiques, elles ne permettent pas par elles-mêmes de comprendre les processus et les significations qui sont à l'œuvre derrière ces résultats.

En tout cas, qu'elles soient quantitatives ou qualitatives les méthodes ont un point commun : elles ne se bornent pas à enregistrer telles quelles des données brutes, mais constituent un filtre à travers lequel le sociologue tamise le réel.


     2- Approche anthropologique de la culture

        2.1 -Définition du concept de culture

Les anthropologues, confrontés à la diversité des sociétés humaines, ont forgé le concept de culture pour en rendre compte. Ils désignent par là l'ensemble des manières d'agir, de penser, de sentir qui sont communes aux membres d'un groupe et les différencient des autres hommes.

La définition anthropologique de la culture diffère donc de son sens courant en usage dans la langue française. Au sens courant, elle représente l'ensemble des connaissances " nobles " d'un individu. Au niveau sociétal c'est l'ensemble des œuvres intellectuelles et artistiques. Afin de lever les confusions, les sociologues parlent de culture savante pour désigner la connaissance et la pratique de disciplines scientifiques et artistiques. Au sens anthropologique, relève de la culture tout ce qui est acquis ou transmis, tout ce qui fait des hommes des être créateurs de leurs propres conditions d'existence. En ce sens tout groupe humain partage une culture dans la mesure où toute société, quelle qu'elle soit, élabore et pratique des techniques, des règles de conduite et construit une représentation du monde.

On distingue également culture et sous-culture, ce dernier terme indiquant qu'il s'agit de sous-ensemble au sein d'un ensemble plus vaste.

 

                 2.2 La culture, un système structuré

Les modèles culturels impliquent la valorisation de certaines conduites et le rejet de certaines autres. En ce sens ils s'ordonnent nécessairement autour de valeurs, qui se définissent comme les manières d'être ou d'agir qu'une société propose comme idéal à ses membres. Les diverses valeurs ne sont cependant pas entièrement indépendantes les unes des autres au sein d'une même culture. Elles tendent à s'inscrire dans une hiérarchie, ce que l'on appelle communément " l'échelle des valeurs ".

Ces valeurs fournissent aux membres d'une culture donnée des points de repère moraux pour apprécier les êtres et les situations. Elles sont interdépendantes, formant un système que l'on nomme éthos, mais peuvent parfois entrer en contradiction les unes avec les autres : il y a alors conflit de valeurs.

Orientant de manière diffuse et générale les conduites individuelles, les valeurs se spécifient dans des règles plus précises qui définissent les comportements appropriés dans des circonstances déterminées. Ce sont les normes, qui s'appuient sur des sanctions, positives ou négatives, pour réguler la vie sociale.

Leur caractère contraignant et leur degré de généralité sont très variables. Certaines sont impératives et peuvent être codifiées dans des textes de loi (service militaire); d'autres ont simplement un caractère coutumier ou fonctionnel (manger avec les doigts). Certaines sont universelles et s'appliquent à tous les membres d'une société, d'autres ont un caractère local et diffèrent selon la place qu'occupent les individus à l'intérieur d'une société (façon de parler).

Cette différenciation des règles de conduite selon la position sociale renvoie aux notions de statut et de rôle, qui font le lien entre l'individu et le système social. La notion de statut est à rapprocher de celle de statut professionnel mais reste cependant plus globale puisqu'elle représente la situation ou la condition sociale résultant des positions qu'un individu occupe dans les sphères socio-économiques (profession, revenu) et culturelle (niveau d'instruction, style de vie…). Max Weber distingue les situations de classe (liées à la position dans le système de production) et les situations de statut (position dans l'ordre social caractérisée par la distribution inégale du prestige).

Les comportements-types qui sont attendus des individus en fonction de leur statut constituent les rôles sociaux. Plus une société est complexe et différenciée, plus s'accroît le nombre de statuts qu'occupe un même individu et donc le nombre des rôles sociaux qu'il joue

                  3-Le processus de socialisation

 

                 3.1-Qu'entend-on par socialisation ?

 

La socialisation est l'ensemble des mécanismes par lesquels les individus font l'apprentissage des rapports sociaux entre les hommes et assimilent les normes, les valeurs et les croyances d'une société ou d'une collectivité. On distingue généralement la socialisation primaire ou socialisation de l'enfant, et les socialisations secondaires, processus d'apprentissage et d'adaptation des individus tout au long de leur vie.

Ainsi malgré le renouvellement des membres d'une culture, celle-ci se perpétue dans le temps, car elle se transmet d'une génération à l'autre au cours de la socialisation. De plus la socialisation n'est pas qu'un processus de transmission par lequel l'individu hérite d'un certain patrimoine culturel, c'est aussi un processus d'acquisition par lequel il accumule les expériences et participe activement à l'élaboration de ses propres schémas de représentation.

Enfin l'intériorisation des normes et valeurs ne résulte pas uniquement de procédés d'inculcation conscients et méthodiques, mais aussi d'une imprégnation largement inconsciente des modèles culturels, ceux-ci formant en quelque sorte le " climat moral " dans lequel baigne l'enfant depuis sa naissance.


3.2- Les lieux de socialisation, la famille, l'école

 

La socialisation de l'individu s'effectue tout au long de sa vie, bien qu'elle s'effectue de manière privilégiée pendant l'enfance où se forme la personnalité, par l'acquisition des rôles essentiels, la compréhension des règles collectives et la construction d'une identité propre (G. H. Mead). Des instances multiples assument la fonction de socialisation : famille, école, médias, groupes de pairs….

La socialisation permet d'assurer une certaine cohérence et continuité à la société. Elle assure une stabilisation à travers le temps.

La socialisation permet d'abord la reproduction sociale, c'est à dire la stabilité du fonctionnement de la société à travers le temps. Par ailleurs, des sanctions existent contre ceux qui s'écartent des normes enseignées, ce que l'on appelle les individus déviants ; l'Etat notamment, qui selon Weber détient le monopole de la violence légitime, utilise sa contrainte contre ceux qui ne respectent pas les lois. Cependant il n'est pas nécessaire à l'Etat d'en arriver là car les individus intériorisent les valeurs et assimilent les normes. P. Bourdieu utilise le terme d'habitus pour désigner la façon dont les individus intériorisent les notions données, les adaptent et se constituent un guide de règles de conduite et de jugement.

L'étude des analyses de la déviance met en évidence la pluralité des grilles de lecture qui caractérise la sociologie :

  • Certains auteurs insistent sur les déterminismes qui pèsent sur les comportements individuels. E. Durkheim est le précurseur de ce type d'analyse, notamment dans son ouvrage sur le suicide (Le suicide, 1897) où il montre que le suicide est un fait social, c'est à dire que sa fréquence relative dépend des variables sociales. Il met également en évidence le concept d'anomie, qui est le dérèglement ou le relâchement des règles sociales et qui est spécifique aux périodes de mutations technologiques ou économiques.
  • Une autre tradition de la sociologie considère, à la suite de Max Weber, que le point essentiel est le sens que les hommes attribuent à leurs actions et les moyens qu'ils mettent en œuvre pour les atteindre.

Néanmoins l'action socialisatrice n'est jamais ni complète ni homogène. Elle laisse aux individus une certaine liberté et une possibilité d'innovation. Si la socialisation permet la perpétuation de la culture au fil des générations, elle n'aboutit pas pour autant à son immuable reproduction à l'identique.


       3.3-
Les processus d'acculturation

 

                 L'acculturation représente l'ensemble des changements socioculturels entraînés par le contact prolongé entre des groupes et des sociétés de cultures différentes. Dans un sens plus strict, il s'agit du processus par lequel un groupe humain adopte les éléments d'une culture en abandonnant partiellement ou totalement ceux de sa propre culture.

Les phénomènes d'acculturation sont fonction des modalités du contact entre les deux cultures : on peut opposer l'acculturation demandée et l'acculturation imposée, situation que l'on retrouve dans des contextes coloniaux ou néocoloniaux ou pour des minorités ethniques face à la culture d'accueil.

L'acculturation est un processus dynamique se déroulant en plusieurs étapes et pouvant aboutir à des résultats différents :

  • · Dans un premier temps : défiance ou opposition.
  • · Second temps : sélection par le groupe dominé ou minoritaire d'éléments de la culture étrangère.
  • · Dernier temps : assimilation globale des valeurs de l'autre, adoption de ses normes ou au contraire contre-acculturation, c'est à dire rejet de la culture étrangère et réaffirmation de la culture d'origine.

Néanmoins la situation est souvent plus complexe que ce schéma. On observe généralement quatre résultats possibles au processus d'acculturation :

  • · Quand les membres de la culture dominée peuvent préserver certaines spécificités culturelles tout en devenant partie prenante du nouvel environnement social, il y a intégration.
  • · Quand ils renoncent à toute identité culturelle propre pour se fondre dans la culture dominante, il y a assimilation.
  • · Quand ils refusent toute participation à la culture dominante ou se la voient refuser par le groupe dominant, il y a séparation ou ségrégation.
  • · Quand ils ont perdu leur identité culturelle d'origine sans pouvoir pour autant participer à la vie de la communauté dominante, il y a marginalisation. Cette situation entraîne généralement des conduites déviantes de la part des individus concernés.



 


07/03/2013
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