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Les 50 ans d'indépendances africaines embarrassent

DECRYPTAGE - Quatorze pays africains, anciennes colonies françaises, commémorent cette année le cinquantenaire de leur indépendance. Ces anniversaires embarrassent tant côté africain que français.

Pour marquer cet «anniversaire symbolique» des indépendances, la France voulait au départ lancer «2010 l’année de l’Afrique». Nicolas Sarkozy y voyait l’occasion de «confirmer clairement le tournant de nos relations» avec le continent, et «d’achever la réforme des instruments de notre coopération qui a déjà été initiée dans le domaine de la défense» avec la réduction du nombre de bases permanentes - il n’en restera que deux, à Libreville et Djibouti - et celle du nombre de soldats français sur le continent - 10.000 contre 30.000 en 1960.

Mais, au final, le cinquantenaire embarrasse tout le monde. Côté africain, «les pays auraient dû en profiter pour faire un bilan d’étape. Ce n’est pas le cas, assure à 20minutes.fr Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais. Certainement parce qu’ils n’ont pas lieu d’en être fiers». Certains dirigeants africains pourraient aussi être tentés d’instrumentaliser cet anniversaire. A l’image du président sénégalais Wade, qui a inauguré, le jour de la date anniversaire, un monument de 50 mètres de haut construite par les Nord-Coréens, la «Renaissance africaine», pour un coût de 15 millions d’euros. «Ce monument nous fait honte. Et il n’y a rien eu d’autre, ni colloque ni débat», se désole Boubacar Boris Diop.

Le président ivoirien Laurent Gbagbo, en bisbille avec Paris, a quant à lui décliné l’invitation de Nicolas Sarkozy à participer aux commémorations en France. «La Côte d’Ivoire entend célébrer le cinquantenaire seule, dans le cadre de sa politique nationale de refondation», a sobrement déclaré Jacques Toubon, chargé de coordonner les festivités dans l’Hexagone.

L'Etat fait le service minimum

Côté français, le malaise est lui aussi palpable. «Si la France n’avait rien fait, certains auraient dit qu’elle était dans le déni. Là, elle se demande si c’est bien à elle de faire ces célébrations», analyse Stephen Smith, auteur de «Voyage en postcolonie» (ed. Grasset). Résultat, «l’Etat fait le service minimum». Les commémorations, dotées d’un budget de 16,3 millions d’euros, culmineront avec, le 14 juillet, un défilé controversé des troupes de treize anciennes colonies sur les Champs-Élysées, dont certaines ont participé à des répressions meurtrières, et un mini-sommet que Jacques Toubon a maladroitement qualifié de «familial».

«On ne peut pas tomber plus bas, affirme Stephen Smith. Doit-on voir dans ce défilé le signe que les relations [de la France avec ses anciennes colonies] se passent au niveau des tirailleurs africains? C’est célébratoire, sans contenu critique. C’est aux sociétés civiles africaines et françaises de faire ce bilan, ajoute-t-il. Mais on préfère se gausser de ce pauvre Toubon qui n’a pas un rond. D’où des célébrations très étatiques.» A l’embarras officiel répond l’ignorance générale: selon un sondageeffectué en février, 69% des Français n’avaient pas entendu parler du cinquantenaire des indépendances africaines.



07/08/2010
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