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LA FALSIFICATION DE L'HISTOIRE

De cette conception racialement hiérarchisante de l’humanité découle que l’Afrique noire ne peut pas et ne doit pas avoir une histoire, qu’elle ne peut pas constituer "un champ historique intelligible " pour reprendre les termes de l’historien britannique Arnold Toynbee, qu'elle n'a pu créer aucune civilisation.
Selon cette idéologie raciste, le Nègre n’a pas la capacité de raisonner, de créer. L'initiative de s’organiser en entités socio-politiques structurées, policées, en États ne peut avoir qu'une origine extérieure. C'est ainsi que la grande cité du Zimbabwé, découverte au Sud du fleuve Zambèze, n'est certainement pas l'œuvre des autochtones africains eux-mêmes et devient celle du roi Salomon au pays d'Ophir ! Webber Ndoro, professeur de muséographie et de gestion du patrimoine culturel à l'Université du Zimbabwe précise que cette négation des réalisations africaines du Zimbabwe a perduré en Rhodésie jusqu'à une époque récente, malgré les résultats incontestables de la recherche archéologique :
En dépit de ces travaux, la plupart des colons européens en Rhodésie nient l'évidence. De 1965 jusqu'à l'indépendance, en 1980, le Front Rhodésien, parti fondé par Ian Smith et qui défend l'apartheid, censure tous les ouvrages et documents qui décrivent Zimbabwe ; les archéologues qui défendent l'origine africaine de Zimbabwe sont emprisonnés et expulsés ; les Africains qui soutiennent des positions similaires perdent leur travail ; les populations locales n'ont plus le droit d'y célébrer des cérémonies rituelles ; même les visites du site sont interdites.

Sous la plume des idéologues occidentaux, le Nègre devient un être dominé par des comportements tout à fait singuliers que des caricatures ne manqueront de représenter, comme le relève Frantz Fanon : "Il y a d'une part une culture [européenne] à qui l'on reconnaît des qualités de dynamisme, d'épanouissement, de profondeur. Une culture en mouvement, en perpétuel renouvellement. En face on trouve des caractéristiques, des curiosités, des choses, jamais une structure". C'est pourquoi l'Égypte ancienne, brillante civilisation de l'Antiquité, est alors littéralement arrachée à l'Afrique noire, à l'univers négro-africain, pour être arbitrairement rattachée géographiquement, anthropologiquement et culturellement à l'Asie occidentale et au monde méditerranéen (Moyen Orient).


Comme le montre Cheikh Anta Diop dans son livre Nations nègres et Culture, l'intelligentsia européenne déploie "une érudition féroce" pour commettre cet acte de falsification de l'histoire de l'humanité : "L'impérialisme aidant, il devenait de plus en plus "inadmissible", de continuer à accepter la thèse jusqu'alors évidente d'une Égypte nègre. La naissance de l'Égyptologie sera donc caractérisée par la nécessité de détruire à tout prix et dans tous les esprits le souvenir d'une Égypte nègre, de la façon la plus complète". "Inadmissible" est effectivement le mot qu'emploie dans son ouvrage Égypte ancienne, Champollion-Figeac (1778-1867, ne pas le confondre avec son frère Jean-François Champollion surnommé Champollion-le-Jeune (1790-1832), le déchiffreur des hiéroglyphes) pour tenter d'invalider la conclusion, pourtant fondée, de l'historien Constantin-François de Chassebœuf (1757-1820), plus connu sous le nom de Volney, professeur d'histoire à l'École Normale Supérieure à Paris, dans son Voyage en Syrie et en Égypte pendant les années 1783, 1784 & 1785, conclusion selon laquelle les anciens Égyptiens étaient des Nègres : "... lorsque ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l'énigme. En voyant cette t te caractérisée nègre dans tous ses traits, je me rappelai ce passage remarquable d'Hérodote, où il dit : Pour moi j'estime que les Colches sont une colonie des Égyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus, c'est-à-dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais Nègres de l'espèce de tous les naturels d'Afrique [...] Quel sujet de méditation [...] de penser que cette race d'hommes noirs, aujourd'hui notre esclave et l'objet de nos mépris est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences, jusqu'à l'usage de la parole ; d'imaginer enfin, que c'est au milieu des peuples qui se disent les plus amis de la liberté et de l'humanité, que l'on a sanctionné le plus barbare des esclavages et mis en problème si les hommes noirs ont une intelligence de l'espèce de celle des hommes blancs !" Ces lignes de Volney n'y feront rien, ni le témoignage de Dominique Vivant Denon qui accompagna Bonaparte dans l'expédition d'Égypte (1798-1799) et qui fut nommé membre de l'Institut d'Égypte créé par celui-ci. Dessinateur, graveur, artiste, Vivant Denon est aussi réputé pour son érudition. Sous Napoléon, il est nommé directeur du Musée du Louvre dont l'une des entrées porte aujourd'hui son nom. Il consigne ainsi sa "rencontre" avec le Sphinx:

Je n'eus que le temps d'observer le Sphinx qui mérite d'être dessiné avec le soin le plus scrupuleux, et qui ne l'a jamais été de cette manière. Quoique ses proportions soient colossales, les contours qui en sont conservés sont aussi souples que purs : l'expression de la tête est douce, gracieuse et tranquille ; le caractère en est africain : mais la bouche, dont les lèvres sont épaisses, a une mollesse dans le mouvement et une finesse d'exécution vraiment admirables ; c'est de la chair et de la vie.", (Vivant Denon, Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du Général Bonaparte, Paris, 1ere édition, Didot l'Aîné, 1802 ; réédition, Pygmalion/Gérard Watelet, 1990, p. 109). Plus loin, commentant l'art égyptien, il écrit : "Quant au caractère de leur figure humaine, n'empruntant rien des autres nations, ils ont copié leur propre nature, qui était plus gracieuse que belle […] en tout, le caractère africain, dont le Nègre est la charge, et peut-être le principe" (op. cit., p. 168).

La vision d'une Afrique anhistorique (sans histoire, sans passé) et atemporelle (hors du temps, immuable), dont les habitants, les Nègres, n'ont jamais été responsables, par définition, de la moindre invention, d'un seul fait de civilisation, s’impose désormais comme courant de pensée dominant dans les discours, dans les écrits et s’ancre profondément dans les consciences. Napoléon rétablit l'esclavage.

Ci-dessus, le dessin d’une colonne d’un portique du temple de Denderah sur lequel est représentée la déesse Hathor. Description de l’Égypte, Antiquité T.IV, Paris, 1817, Planche 12. Il a été exécuté lors de l’Expédition de Bonaparte en Égypte (1798-1799) : il s’agit d’un exemple typique de reproductions fantaisistes, inexactes figurant dans cet ouvrage. Ici, le visage de la déesse égyptienne présente les traits d’une Européenne tels qu’on peut les retrouver sur les peintures de cette époque en Europe. Pourtant, c’est sur cet ouvrage que s’appuie l’égyptologue Gaston Maspero pour écrire : " En examinant les innombrables reproductions de statues et de bas reliefs dont il est rempli, on reconnut que le peuple figuré sur les monuments, loin d’offrir les particularités ou l’aspect général du nègre, avait la plus grande analogie avec les belles races blanches de l’Europe et de l’Asie occidentale. " (cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, Librairie Hachette et Cie, 12eme édition, 1917, p. 17.).
Ceci est une illustration de la falsification de l’histoire : au XIXe siècle l’Egyptologie européenne naissante arrache l’Egypte ancienne à l’Afrique noire. Dès lors, l’Egypte pharaonique sera rattachée géographiquement, anthropologiquement et culturellement au Monde méditerranéen, au Proche-Orient. Cf. Aboubacry Moussa Lam, L’affaire des momies royales, La vérité sur la reine Ahmès-Nefertari, Paris, Présence Africaine/Khepera, 2000.
Cheikh Anta Diop, l'auteur de Nations Nègres et Culture, décrit ce processus de falsification historique : "... au moment où l'impérialisme atteint son apogée, dans les temps modernes, en tout cas au 19ème siècle, l'Occident découvre que c'est l'Égypte et une Égypte noire qui a apporté tous les éléments de la civilisation à l'Europe, et cette vérité il n'était pas possible de l'exprimer, voilà la réalité.
L'Occident, qui se croyait chargé d'une mission civilisatrice en direction de l'Afrique découvre, en fouillant dans le passé, que c'est précisément cette Afrique Noire, aujourd'hui son esclave, cette Afrique Noire apparemment en régression, c'est bel et bien cette Afrique noire qui lui a donné tous les éléments de la civilisation aussi extraordinaire que cela puisse paraître. Et cette vérité, tous les savants n'étaient pas également disposés à l'exprimer sans nuances. Donc la communauté des savants s'est scindée en deux groupes :
- les savants de bonne foi qui ont eu le courage de regarder la vérité en face, Volney faisait partie de ces savants, [...],
- et toute la lignée presque des égyptologues qui ont falsifié l'histoire de l'humanité de générations en générations et qui ont commis un crime le plus grave contre la science et l'humanité. Au sein de ces égyptologues aussi, il y a eu une tendance beaucoup plus modérée qui a essayé d'exprimer une vérité plus ou moins fardée ... C'est de falsifications en falsifications qu'on en est arrivé à dire que l'Égypte était un accident en Afrique, et que quand on parle de l'Égypte, on parle de l'Orient. L'Égypte ce n'est pas l'Orient, c'est l'Afrique !
L'Orientalisme est une frustration, c'est une falsification. Il y a eu des falsificateurs de l'histoire. Ils ont commis, ce que j'appelle - et je pèse mes mots - un véritable crime contre l'humanité. Parce que c'est dégradant pour quelqu'un qui est chargé de propager le savoir de transmettre sciemment des contre-vérités. Il y a des générations entières de spécialistes occidentaux qui ont été coupables de ce crime à l'égard de l'humanité. Ils le savent ... ils le savent. Et après, c'est sur la base de ces faits falsifiés que l'on a formé des générations qui continuent à perpétuer, quelque fois avec bonne foi et, qu'une fois formés ainsi, quand on leur démontre la vérité, même au tableau, par éducation, ils ne peuvent plus y adhérer. C'est comme si vous versiez de l'eau sur de l'huile, en quelque sorte, ça ne prend plus". Telles sont l'idéologie, l'image de l'Afrique, la falsification historique qui seront désormais transmises, enseignées par l’intelligentsia occidentale, de génération en génération, au sein des institutions les plus officielles, des plus modestes aux plus prestigieuses, de l’école à l’université ; elle sera largement véhiculée par tous les moyens d'expression : romans, peinture, bandes dessinées, publicités, et plus tard le cinéma, ... Des zoos humains exhiberont en Europe et aux États-Unis les peuples non-Blancs


26/06/2011
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