MOPJAD Infos

La corruption et les révisions constitutionnelles : Detruisent la démocratie en Afrique

 


 La 16ème Conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique avait permis de faire le point sur les sujets politiques et économiques concernant l’ensemble des pays représentés, dans un climat de confiance et de vérité. Dans son discours, François Mitterrand avait réaffirmé la priorité africaine de la France et avait  encouragé les Etats dans leurs efforts vers plus de liberté et l’instauration d’un Etat de droit : «La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté». Et Mitterrand d’ajouter : «A vous peuples libres, à vous Etats souverains que je respecte, de choisir votre voie, d’en déterminer les étapes et l’allure».


               Au cours de ce sommet, des mesures importantes ont été prises pour désendetter les économies africaines. Elles consistaient à n’accorder par principe que des dons aux pays les moins avancés, et à réduire de moitié les taux d’intérêt des prêts consentis aux pays à revenu intermédiaire. Ces dispositions manifestaient, une fois encore, la volonté de la France d’aider le mieux possible l’Afrique à sortir d’une crise, dont la dette constitue l’un des facteurs principaux.


La dette, quand on y regarde de près, quand on regarde ou est passé l’argent, c’est dans la plupart des cas une escroquerie absolument gigantesque. Alors, avec tout ça on arrive à la fin des années 1980. La décennie 80-90 a été marquée sur le continent par les Programmes d’ajustement structurel communément appelé PAS imposé par le FMI et la Banque mondiale.

Le vent de la démocratie
Il y a eu une poussée démocratique après la chute du mur de Berlin. Elle a commencé  en Afrique au Benin par une Conférence nationale. Et à ce moment-là, les dictateurs ont eu beaucoup de mal à résister à cette pression. Ils allaient affronter des élections, mais ils ne pouvaient plus tenir comme discours politique : «Je me représente parce que je fais le bien du peuple, parce que je vais assurer son développement». Ce n’est plus crédible, et donc les dictateurs se sont mis à utiliser l’arme ultime des politiques, le bouc émissaire, qui malheureusement marche depuis les débuts de l’humanité.
Ils se mettent à expliquer que, s’il y a des malheurs dans le pays, ce n’est pas  leur faute, c’est la faute de l’autre ethnie, «cette ethnie que vous haïssez, n’est-ce pas, et qui, si elle vient au pouvoir, va vous ôter le pain de la bouche, prendre toutes les hautes fonctions, et même, éventuellement, vous massacrer». C’est ce discours qui a été tenu au Rwanda, c’est ce qui menace dans un certain nombre d’autres pays. C’est un scénario sous-jacent à ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire.
A la criminalité économique et à des régimes dictatoriaux souvent tortionnaires, on a rajouté une criminalité politique de masse en dressant les gens les uns contre les autres. Comme l’affirme Philippe Essomba, c’est comme si l’Afrique est à la remorque de l’Europe qui exercerait un droit de suzeraineté sur leurs vassaux  africains.
Et Hervé Bourges dans son livre «Les 50 Afriques» : hier, aujourd’hui, demain écrit à propos de l’Afrique : «Nous sommes pessimistes parce que l’Afrique qui n’intéressait que très peu les grandes puissances il y a encore quelques années, en dehors des grandes puissances coloniales qui avaient des intérêts à défendre, et qui avaient aussi un devoir de ne pas se désintéresser de ce qui s’y passait, est devenue un enjeu mondial et, de ce fait, dans la mesure où cette Afrique-là est une Afrique aux Etats peu solides, aux nations en gestation, aux frontières artificielles, aux économies factices, cette Afrique-là est une Afrique fragile, et en conséquence elle est à la merci des jeux des grandes puissances».

Relation France et dictateurs
Entre la France et les dictateurs africains, il existe une solidarité  établie par le biais de la Françafrique. Ces fonctionnements de solidarité entre un certain nombre de Français et d’Africains se sont organisés pour tenir ces pays politiquement  par la dictature, militairement avec les mercenaires, et à travers un certain nombre de circuits financiers pompant l’argent des matières premières, l’argent de la dette, l’argent de l’aide publique au développement. La mise en scène de ces fonctionnements fut le discours de la Baule en juillet 1990. La Françafrique a été prise au dépourvu par une révolution démocratique au Bénin.

Le mode des élections opérées par la Françafrique
La France a organisé un système qui a marché de manière quasi infaillible pendant pratiquement dix ans. Il a ainsi consisté en ceci : avec notre argent, l’aide publique au développement, on envoie des urnes transparentes, des bulletins de vote et des enveloppes dans ces pays ; on déclare : «Oui, vraiment, c’est bien, ils arrivent à la démocratie ; donc, on va les aider» ; et en même temps, on envoie dans les capitales de ces pays des coopérants très spéciaux, des réseaux Pasqua ou de la mairie de Paris, qui viendront installer  un système informatique de centralisation des résultats un peu spécial : alors que les gens(assesseurs) ont veillé jour et nuit auprès des urnes pour être sûrs que leur suffrage soit respecté, alors qu’ils ont voté à 70 ou 80% pour chasser le dictateur.
Le peuple ayant massivement voté pour chasser le dictateur se retrouvera à la fin avec un dictateur réélu avec 80% des voix… ou 52% s’il est modeste. Voilà une alchimie extraordinaire. La Françafrique avec son argent aide les pays africains  à se doter d’instruments de démocratie. Au même moment, les réseaux de la Françafrique arrivent à faire en sorte que ces pays aient encore pire qu’un dictateur, un dictateur «légitimé démocratiquement». Et  cela s’est passé 50 fois entre 1991 et 2003 en Afrique, avec chaque fois le même système, chaque fois le même discours, que ce soit au Togo, au Cameroun, au Congo Brazza, au Gabon, à Djibouti, en Mauritanie…


Il n’y a eu que trois ou quatre exceptions dans deux pays pauvres d’abord, parce qu’ils sont trop pauvres pour intéresser beaucoup la Françafrique ; le Mali, avec le renversement du dictateur Moussa Traoré, et le Niger, ou quelques officiers progressistes ont renversé le dictateur installé par Foccart, qui s’appelait Ibrahim Barré Mainassara(1998). Alors là, quand ils ont renversé le dictateur, la France a crié à l’interruption du processus démocratique. Elle a coupé sa coopération. Et donc les Nigériens ont organisé leurs élections  sans et malgré la France. Et ça donné les élections les plus incontestées depuis quarante ans en Afrique. Il n’y a pratiquement pas eu un bulletin contesté. Et puis, il y a encore deux exceptions célèbres.
Toujours s’agissant du Niger des militaires patriotes ont mis fin au troisième mandat forcé (révision de la Constitution) de Mamadou Tandia en 2010.Au Mali le doute plane sur la tenue des élections générales de 2012  aux dates indiquées par le gouvernement.

Le Sénégal
Au Sénégal, où il y avait  une fraude instituée depuis très longtemps, s’est produite une invention démocratique. La société, qui en avait marre de l’ancien régime corrompu- ça ne veut pas dire que le nouveau est parfait, loin de là-voulait au moins pouvoir changer de président. Eh bien, ils ont jumelé les téléphones portables et les radios locales de manière à annoncer en direct les résultats à chaque dépouillement d’urne, pour que l’on ne  puisse pas truquer la totalisation. Ainsi dans d’autres pays, on a retardé la mise sur le marché des téléphones portables. Le président sortant Sénégalais brigue un troisième mandat malgré son âge (85 ans) appuyé en cela par une révision constitutionnelle.

Autres exemples de désaveux  à la Françafrique : Madagascar
Le cas des élections Malgaches est unique dans l’histoire de l’humanité. Jour et nuit, pendant quatre ou cinq mois, entre 500 000 et 1000000 de personnes ont tenu la rue pour défendre le candidat élu et obtenir son installation à la place du dictateur soutenu par l’Elysée et par la Françafrique.


Sous la pluie, des femmes de 70 ans, des mères de famille, etc., une marée humaine se gardant de toute violence, a réussi peu à peu, par son courage, à dissuader l’armée et les milices du régime. Chaque fois que l’armée voulait attaquer le mouvement populaire, il y avait toujours une femme ou une fille de général dans la manifestation qui appelait sur son téléphone portable le père ou le mari pour dire : «Nous sommes dans la manifestation». Et peu à peu les généraux, les officiers ont craqué l’un après l’autre, ils sont passés dans le camp du président élu. C’est un exemple vraiment assez exceptionnel, tellement inquiétant pour les dictateurs  en place qu’ils ont mis un an avant de reconnaitre le nouveau régime.
Donc, tout n’est pas désespéré. Mais disons que pour ce qui est de notre rôle, du rôle de la France, on a passé son temps à faire «valider» par les urnes l’inverse de la volonté du peuple, quitte à dégouter les gens de la démocratie. La plupart des généraux africains francophones, y compris les généraux- présidents ou candidats, sont les frères d’armes des militaires français.
L’armée française tient beaucoup à l’Afrique ; elle y pratique et expérimente la politique de la  France.
Safounè KOUMBA



22/03/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 130 autres membres