La CIA aux commandes de l'armée libyenne
Le 17 novembre, environ 150 officiers et sous-officiers de l’armée
libyenne, ayant rejoint les rebelles, se sont réunis Al-Baïda (200 km à
l’est de Benghazi), et ont nommé Khalifa Belkacem Haftar – ou Hifter –, colonel pro-américain (formé en URSS) comme chef d’Etat-major de l’armée «
en raison de son ancienneté, de son expérience, de sa capacité à
diriger et des efforts qu’il a déployés pour la révolution du 17
février». En attendant, je vous laisse prendre connaissance du pedigree d'un futur dirigeant de la Libye "libre" Moubabil al- Djazaïri |
Le Conseil national libyen, un groupe installé à Benghazi et qui
parle pour les forces rebelles qui combattent le régime de Kadhafi, a
sélectionné un collaborateur de longue date de la CIA pour mener ses
opérations militaires. La sélection de Khalifa Hifter (photo ci-dessus),
un ancien colonel de l'armée libyenne, a été rapportée par McClatchy Newspapers jeudi et le nouveau chef militaire a été interviewé par un correspondant de ABC News dimanche soir.
L'arrivée
de Hifter à Benghazi a été rapportée en premier lieu par Al-Jazira le
14 mars, et elle a ensuite bénéficié d'un portrait flatteur dans le
tabloïde britannique proguerre Daily Mail, le 19 mars. Le Daily Mail a
décrit Hifter comme étant l'une des « deux têtes d'affiche militaires de la révolution » qui « est récemment revenu d'un exil aux États-Unis afin de donner aux forces rebelles au sol une certaine cohérence tactique ». Le journal n'a pas fait référence à ses liens avec la CIA.
McClatchy Newspapers a publié un portrait de Hifter dimanche. Intitulé « Le nouveau chef des rebelles a passé la majeure partie des vingt dernières années dans les banlieues de Virginie », l'article montre qu'il a déjà été un haut commandant pour le régime de Kadhafi, jusqu'à « une aventure militaire désastreuse au Tchad à la fin des années 1980 ».
Hifter
a par la suite passé à l'opposition anti-Kadhafi, en émigrant
finalement aux États-Unis, où il a vécu jusqu'à il y a deux semaines,
lorsqu'il est retourné en Libye pour prendre les commandes à Benghazi.
Le portrait de McClatchy conclue : «
Depuis son arrivée aux États-Unis au début des années 1990, Hifter a
vécu dans les banlieues de la Virginie à l'extérieur de Washington DC ». Le journal cite un ami qui «
dit qu'il n'est pas sûr de ce que Hifter a fait pour subvenir à ses
besoins et que Hifter s'est surtout consacré à aider sa famille
nombreuse ».
Pour ceux
qui savent lire entre les lignes, ce portrait est une indication à
peine voilée du rôle de Hifter en tant qu'agent de la CIA. Comment un
ancien haut commandant de l'armée libyenne pourrait-il entrer aux
États-Unis au début des années 1990, seulement quelques années après les
attentats de Lockerbie, pour ensuite s'installer près de la capitale
américaine, sinon avec la permission et l'aide active des agences de
renseignements américaines ? Pendant deux décennies, Hifter à vécu à
Vienna, en Virginie, à moins de dix kilomètres des quartiers généraux de
la CIA situés à Langley.
L'agence connaissait très bien le travail militaire et politique de Hifter. Un article du Washington Post
du 26 mars 1996 décrit une rébellion armée contre Kadhafi en Libye et
se sert d'une autre orthographe pour épeler son nom. L'article cite des
témoins de la rébellion qui rapportent que « son chef est le colonel
Khalifa Hifter, qui provient d'un groupe semblable aux contras qui est
installé aux États-Unis et qui porte le nom d'armée nationale libyenne
».
Les contras, auxquels ils font référence, sont
des forces terroristes financées et armées par le gouvernement américain
dans les années 1980 contre le gouvernement sandiniste au Nicaragua. Le
scandale Iran-Contra, qui a secoué l'administration Reagan en
1986 et 1987, impliquait la révélation des ventes illégales d'armes
américaines à l'Iran, les recettes servant à financer les contras malgré
une interdiction du Congrès. Les congressistes démocrates ont étouffé
le scandale et se sont opposés aux appels à la destitution de Reagan
pour son appui financier aux activités clairement illégales d'une cabale
d'anciens agents des services de renseignement et de conseillers de la
Maison-Blanche.
Un livre publié par Le Monde diplomatique
en 2001, intitulé Manipulations africaines, retrace les liens avec la
CIA encore plus loin, remontant à 1987, rapportant que Hifter, alors
colonel de l'armée de Kadhafi, a été capturé lorsqu’il combattait au
Tchad dans une rébellion soutenue par la Lybie contre le gouvernement
d'Hissène Habré, lui soutenu par les États-Unis. Il est passé au Front national du Salut de la Libye
(FNSL), le principal groupe anti-Kadhafi, qui avait le soutien de la
CIA américaine. Il a organisé sa propre milice, qui opérait au Tchad
jusqu'à ce que Habré soit renversé par un rival appuyé par la France,
Idriss Déby, en 1990.
Selon ce livre, « la force Haftar,
créée et financée par la CIA au Tchad, s'est volatilisée avec l'aide de
la CIA peu après que le gouvernement a été renversé par Idriss Déby ». Le livre cite également un rapport du Congressional Research Service
du 19 décembre 1996, qui mentionne que le gouvernement américain
fournissait une aide financière et militaire au FNSL et qu'un certain
nombre de membres du FNSL ont été mutés aux États-Unis.
Cette
information est disponible à toute personne qui effectue une recherche
rapide sur Internet, mais elle n'a pas été mentionnée par les médias de
la grande entreprise aux États-Unis, sauf dans la dépêche du McClatchy,
qui évite toute référence à la CIA. Aucun des réseaux de télévision, qui
célèbrent activement les « combattants de la liberté » de
l'est de la Libye, n’a pris la peine de signaler que ces forces sont
désormais commandées par un collaborateur de longue date des services de
renseignement des États-Unis.
Les libéraux et fervents de « gauche »
de l'intervention américano-européenne en Libye n’en ont pas pris note
non plus. Ils sont trop occupés à acclamer l'administration Obama pour
son approche multilatérale et « consultative » de la guerre, supposément si différente de l'approche unilatérale et de type « cowboy »
de l'administration Bush en Irak. Que le résultat soit le même : la
mort et la destruction dans la population, le piétinement de la
souveraineté et de l'indépendance d'un ancien pays colonial ne veulent
rien dire pour ces apologistes de l'impérialisme.
Le rôle d’Hifter, décrit avec justesse il y a 15 ans comme le chef d'un « groupe semblable aux contras »,
démontre les forces de classe réelle à l'œuvre dans la tragédie
libyenne. Quelle que soit la véritable opposition populaire qui a été
exprimée dans la révolte initiale contre la dictature corrompue de
Kadhafi, la rébellion a été récupérée par l'impérialisme.
L'intervention américaine et européenne en Libye ne vise pas à apporter la « démocratie » et la « liberté »,
mais à installer au pouvoir des laquais de la CIA qui dirigent tout
aussi brutalement que Kadhafi, tout en permettant aux puissances
impérialistes de piller les ressources pétrolières du pays et utiliser
la Libye en tant que base d'opérations contre les révoltes populaires
qui prennent place à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Article original, WSWS, paru le 28 mars 2011
Texte original en anglais: A CIA commander for the Libyan rebels
http://www.wsws.org/articles/2011/mar2011/pers-m28.shtml
Introduction du texte sur le blog de Moubabil al- Djazaïri – Titre et intertitres : AFI-Flash
http://mounadil.blogspot.com/2011/03/la-cia-aux-commandes-de-la-libye.html#links
Texte en français publié également par http://www.france-irak-actualite.com/
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