L'ESCLAVAGE
L’esclavage
Aujourd’hui l’Esclavage et la
Colonisation alimentent les grands débats concernant la vie de
l’Afrique. Vus par certains comme un crime contre l’humanité et l’esprit
de civilisation, d’autres voix s’élèvent pour demander des réparations
pour leurs préjudices dus à leur impact sur la vie de l’Afrique et de
l’Africain.
Prenant en compte ces réalités et voyant que le
Mouvement de la Négritude est intimement liée à ces deux faits, dans
cette thèse nous entrerons dans certains détails pour mieux les cerner
dans ces contours et détours...
L’Afrique et l’Africain ont subit au
cours de son histoire l’esclavage et la colonisation, la question qui
se pose est de savoir quelle à été le comportement des Africains face à
ces faits ? L’ont-ils subit passivement où ont –ils été dans une
certaine mesure des complices ? Voici des questions que nous étude
tentera de donner brièvement une réponse.
Nous donnerons certains
détails sans pourtant faire d’emblée une étude de l’Esclavage et de la
colonisation. Nous donnerons les informations nécessaires car la
négritude sont liée à ces deux faits et pour la comprendre dans sa
genèse, il faut nécessairement avoir une certaine connaissance plus ou
moins approfondie sur l’Histoire de l’Afrique et de la vie des fils
(Esclavage et Colonisation.
Ainsi dans cette thèse nous parlerons un ces deux phénomènes dans leur manifestation et mécanisme...
A-HISTORIQUE
L'esclavage
caractérise le fait de priver un être humain de ses droits (droit de
choisir son travail et son lieu de résidence, droit de fonder une
famille et d'élever ses enfants, droit de s'instruire et de nouer des
relations avec les personnes de son choix, droit de se déplacer à sa
guise) et de le réduire au statut d'un bien mobilier que l'on peut
acheter et vendre (les personnes emprisonnées au nom de la loi pour
s'être rendues coupables d'un crime ou d'un délit n'entrent pas dans
cette définition).
L'esclavage semble avoir été ignoré des sociétés
primitives de nomades, de chasseurs et de cueilleurs. Les sociétés de
cette sorte qui subsistent en Amazonie ou en Papouasie l'ignorent
également.
Il est apparu avec la sédentarisation des humains dans
les villes et avec le développement de l'agriculture et de l'élevage.
Les guerres pour l'appropriation des terres et des troupeaux procurèrent
des captifs que l'on affectait aux travaux des champs, à la garde des
troupeaux ainsi qu'aux tâches domestiques, au pompage d’eau…
C'est
ainsi qu'au cours du dernier millénaire avant Jésus-Christ, la pratique
de l'esclavage devient commune à toute l'humanité, mis à part quelques
tribus reculées de l'Âge de pierre. Concernant l’Afrique, isolée du
monde méditerranéen depuis sept ou huit millénaires en raison de
l'assèchement du Sahara, l'Afrique noire a ignoré jusqu'à l'ère
contemporaine la propriété foncière.
La terre étant propriété
commune, l'enrichissement et l'élévation sociale dépendaient dans ces
sociétés africaines de la possibilité de cultiver un maximum de surface.
D'où l'intérêt de disposer d'une main-d’œuvre nombreuse Plus un homme
possédait d'esclaves et de femmes, plus il était riche et plus il était
riche, plus il était en situation d'accroître son cheptel de femmes et
d'esclaves. *John Hope Franklin: de l'esclavage à la libreté D'après les
récits des premiers voyageurs occidentaux qui ont visité l'Afrique
noire, comme l’Ecossais Mungo Park (1771-1805), on estime qu'un quart
des hommes avaient un statut d'esclave ou de travailleur forcé. Ce étaye
des prisonniers de guerre ou des prisonniers pour dettes. Dans le
régime polygame caractéristique de l'Afrique noire, le statut des femmes
n'était guère différent de celui des esclaves. À leur entrée dans l'âge
nubile, les adolescentes étaient vendues par leur propre père à leur
futur maître et époux.
Elles vouaient le restant de leur vie à
rembourser celui-ci de son investissement par leur travail et leurs
prestations sexuelles. Ces pratiques sociales, qui se sont perpétuées
jusqu'à nos jours, ont offert un terreau propice au développement de la
traite arabe et de la traite atlantique, autrement dit à l'exil forcé de
nombreux Africains vers le monde musulman ou le monde américain. Dans
notre étude à travers cette thèse, nous nous consacrerons à la traite
Arabe et Atlantique qui sont deux faits importants qui explique le
contexte socio historique de la naissance du Mouvement de la Négritude.
B- LA TRAITE ARABE
les
musulmans envahirent l'Afrique, ils contribuèrent dans une large mesure
au développement de l'esclavage noir. Les femmes venaient peupler les
harems, les hommes étaient employés à des tâches militaires et serviles.
Tantôt les achetant, tantôt les capturant par droit de conquête, les
musulmans recrutaient des esclaves africains qu'ils expédiaient en
Arabie, en Perse ou dans d'autres pays de l'Islam.
Les rois et les
princes noirs convertis à l'Islam s'empressèrent d'ailleurs de prêter
main forte aux Arabes en collaborant à ce commerce. Longtemps avant
qu'elles aient pris l'extension que l'on sait entre les mains des
Européens, beaucoup des méthodes essentielles de la traite
internationale des esclaves étaient déjà en place.
1- Le Mécanisme de la traite Arabe
Dès
les premiers temps de l'Islam, des caravaniers arabes ont puisé de
nombreux esclaves en vue de les revendre au Moyen-Orient ou en Afrique
du nord. Des chefs noirs se sont mis à leur service pour guerroyer
contre leurs voisins et les ravitailler en prisonniers. Il s'en est
ensuivi un trafic de 5.000 à 10.000 esclaves par an en direction des
pays musulmans. En témoignage de ce trafic, le mot arabe habib qui
désigne un serviteur ou un esclave, est devenu synonyme de Noir.
Les
esclaves partaient vers les pays du Moyen-Orient. Là-bas, le prix des
captives était plus élevé encore que dans la région subsaherienne, bien
que des esclaves masculins y fussent aussi utilisés dans l'agriculture
et dans les tâches militaires. Si la traite des esclaves blancs a
rapidement buté sur la résistance des Européens, il n'en a pas été de
même du trafic d'esclaves noirs en provenance du continent africain. La
traite arabe a commencé en 652, dix ans après la mort de Mohammad (saw),
lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd a imposé aux Nubiens (les
habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves
par an.
Les spécialistes évaluent de douze à dix-huit millions
d'individus le nombre d'Africains victimes de la traite arabe au cours
du dernier millénaire du VIIème au XXème siècle. Ces contingents très
importants de main-d’œuvre servile contribuèrent à la stagnation
économique et sociale du monde musulman. Ils causèrent aussi de nombreux
troubles. C'est ainsi qu'à la fin du IXème siècle, les terribles
révoltes des Zenj (d'un mot arabe qui désigne les esclaves noirs), dans
les marais du sud de l'Irak, entraînèrent l'empire de Bagdad sur la voie
de la ruine et de la décadence. Comparée à la traite des Noirs
organisée par les Européens, le trafic d'esclaves du monde musulman a
démarré plutôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a
touché un plus grand nombre d'esclaves» d'après l'économiste Paul
Bairoch. Celui-ci rappelle qu'il ne reste pratiquement plus de trace des
esclaves noirs en terre d'Islam en raison de la généralisation de la
castration (lire à ce propos Les Mille et Une Nuits !), des mauvais
traitements et d'une très forte mortalité, alors que leurs descendants
sont au nombre d'environ 70 millions sur le continent américain.
Il
faut aussi noter qu’au XIXème siècle, des musulmans de confession chiite
en provenance du Golfe persique se sont établi sur une île de l'Océan
indien proche du littoral africain. Ils l'ont appelé Zanzibar (de Zenj
et bahr, deux mots arabes qui signifient littoral des Noirs) et y ont
créé de fructueuses plantations de girofliers sur lesquelles
travaillaient des esclaves noirs du continent. Les conditions de travail
y étaient épouvantables : «La mortalité était très élevée, ce qui
signifie que 15 à 20% des esclaves de Zanzibar (sera entre 9.000 et
12.000 individus) devaient être remplacés chaque année», ( écrit
Catherine Coquery-Vidrovitch) Très vite, Zanzibar est devenu un
important marché d'exportation d'esclaves à destination du Golfe
arabo-persique. Les comptes précis tenus par l'administration du sultan
ont permis d'évaluer à plus de 700.000 le nombre d'esclaves qui ont
transité par l'île entre 1830 et 1872. Aujourd'hui encore, les habitants
noirs de Zanzibar conservent un statut de quasi-esclave.
A la fin
du XIXème siècle, l'aventurier français Henri de Monfreid, auteur du
fabuleux récit Les secrets de la Mer Rouge, a participé lui-même au
commerce d'esclaves entre la Corne de l'Afrique et la péninsule arabe.
Les colonisateurs européens ont interrompu ces pratiques au début du XXe
siècle... mais ont eux-mêmes introduit en Afrique le travail forcé.
2- L'esclavage dans la société mulsuman
Il
convient de remarquer cependant que, chez les musulmans, l'esclavage
n'avait pas pour fin principale la production des biens générateurs de
richesse. L'Arabie, la Perse ou l'Egypte ne possédaient pas d'immenses
plantations de coton, de tabac ou de canne à sucre. Dans ces pays, les
esclaves étaient surtout des domestiques et le volume de la demande
dépendaient en grande partie de la fortune des maîtres potentiels. La
possession d'esclaves n'était donc qu'un signe extérieur de richesse, et
la condition d'esclave n'avait pas la dureté, la rigueur qui
caractérisaient cette institution là où l'esclavage était le fondement
même de la richesse. Ajoutons que les esclaves convertis à l'Islam
étaient considérés comme des frères. S'ils n'étaient pas libérés pour
autant des devoirs imposés par leur servitude, cela améliorait leur
statut et leur conférait une dignité plus grande au sein de leurs
congénères. Si ces avantages étaient bien dérisoires face à la
perspective d'une servitude perpétuelle, cette considération a pu faire
aux yeux des esclaves qui, en des temps plus récents, étaient soumis à
un système autrement impitoyable, l'effet d'un fétu de paille auquel
s'accrocher.
B- LA TRAITE ATLANTIQUE
1-Historique
Lorsque,
au XVème et au XVIème siècle, les chrétiens d'Europe occidental
commencèrent à s'intéresser au commerce des êtres humains, ils
n'inventaient rien s'ils se montrèrent novateurs aux niveaux conceptuel
et technique, ils ne faisaient que reprendre à leur compte une activité
que pratiquaient les hommes depuis la nuit des temps. De ce fait,
l'esclavage était chose courante dès l'aube de l'histoire de l'Afrique
comme de celle d'autres continents. Certes, la cruauté et l'oppression
étaient présentes ici comme ailleurs mais, dans certaines régions de
l'Afrique tout au moins, l'esclavage n'avait pas de base raciale. Les
Égyptiens réduisaient en esclavage tous leurs captifs qu'ils fussent
sémites, méditerranéens ou Noirs de Nubie. Tout le monde sait que
l'esclavage était institutionnel chez les Grecs et les Romains. Aux deux
époques, un flot continu d'esclaves importés d'Asie Mineure et
d'Afrique du Nord venait travailler au service de la classe dirigeante
et cultiver ses champs. Mais, ni en Grèce ni à Rome, les tâches serviles
n'étaient considérées comme dégradantes et les esclaves avaient, par
conséquent accès à l'éducation et à la culture. Aussi n'était-il pas
rare de trouver parmi eux des personnes d'une intelligence et d'une
éducation ne correspondant pas à l'idée que l'on se fait généralement de
l'esclave, mais ce ne fut qu'à la fin du XIVème siècle que les
Européens commencèrent à importer eux-mêmes des esclaves.
Les marins
espagnols et portugais explorèrent la côte africaine dans l'élan de la
grande vague de l'expansionnisme européen. Ils visitèrent les Îles
Canaries et mouillèrent dans d'innombrables ports jusqu'au golfe de
Guinée. Partout, ils établirent des contacts avec les indigènes et
étudièrent la possibilité de nouer avec eux des relations commerciales.
Ils ramenèrent en Europe des Africains dont ils firent des serviteurs
avec bonne conscience, convaincus qu'ils étaient de leur offrir ainsi la
possibilité de renoncer au paganisme et d'embrasser la religion
chrétienne. Au milieu du XVème siècle, les marchés européens
regorgeaient de produits exotiques d'origine africaine: arachides,
fruits, huile d'olive, or et esclaves noirs. En l'espace de quelques
années, le commerce des esclaves devint un secteur apprécié et rentable
du commerce européen. A l'instigation d'Henri le Navigateur, les marins
et les marchands portugais se rendirent rapidement compte des avantages
économiques de ce négoce. Des explorateurs intrépides, comme le Vénitien
Cadamosto s'attacha au service de la cour de Lisbonne principalement à
cause des fructueux débouchés que promettait le commerce des esclaves
guinéens. A la mort d’Henri en 1460, le Portugal importait annuellement
de sept a huit cents esclaves. La seconde moitié du XVème siècle peut
être considérée comme le prélude à l'histoire de la traite. Les
Européens, en particulier les Espagnols et les Portugais établirent des
relations commerciales régulières avec les indigènes et installèrent des
forts et des comptoirs d'où ils pourraient mener leurs affaires.
Au
cours de cette période, ils prirent l'habitude de faire faire leur
travail par des Noirs venus d'Afrique et cherchèrent à quelles autres
tâches ils pourraient les employer. Ils entreprirent de régler entre eux
la question de savoir qui participerait ou non au trafic et, dès la fin
du siècle, la folle bousculade de ceux qui faisaient des pieds et des
mains pour en obtenir le monopole montre bien l'importance qu'il
revêtait. Au cours de la même période, enfin les Européens élaborèrent
pour légitimer leur action un corps de doctrine s'appuyant sur le
christianisme. Les Portugais et les Espagnols prirent la tête du
mouvement en arguant de la vocation évangélique de la chrétienté pour
justifier les razzias auxquelles ils se livraient sur la côte africaine.
En 1501, l'Espagne leva l'interdit qui frappait les Noirs et les
autorisa à se rendre dans les territoires de la Couronne du Nouveau
Monde. Balboa était accompagné de trente Noirs, parmi lesquels Nino de
Olano lorsqu'il découvrit l'océan Pacifique. Cortés emmena des Noirs au
Mexique et ce fut l'un d'eux qui sema et moissonna la première récolte
de blé dans le Nouveau Monde. Deux cents XXX accompagnèrent Alvarado
quand celui-ci mit la voile à destination de Quito et ce fut ses
compagnons noirs qui portèrent le corps de Pizarro à la cathédrale de
Lima après son assassinat. Ce fut aux Noirs de la suite d'Almagro et de
Valdivia que les Espagnols, assiégés par les Indiens durent d'avoir la
vie sauve en 1525. Les conquistadores* espagnols et portugais qui mirent
pied en Amérique du Nord étaient assistés par des Noirs.
Il y avait
des Noirs avec Alarcon et Coronado lors de la conquête du
Nouveau-Mexique. Des Noirs accompagnaient Narvarez en 1527 et Cabeza de
Vaqua quand ils reconnurent le Sud-ouest des actuels États-Unis. L'un
des explorateurs noirs les plus notoires fut Estevanico qui ouvrit la
route du Nouveau-Mexique et de l'Arizona aux Espagnols. A mesure que
Petit Etienne, comme l'appelaient ses camarades, s'enfonçait à
l'intérieur des terres, il envoyait à sa base des croix de bois pour
signaler sa progression. Leur dimension allait grandissant et, quand
elles atteignirent la taille d'un homme, les Espagnols comprirent que
l'explorateur noir avait remporté un grand succès. Les Indiens
annoncèrent l'arrivée de Petit Etienne aux portes des sept cités
fabuleuses dont on faisait des gorges chaudes. Mais, peu de temps après
être entré dans la ville, Etienne fut tué par les Indiens qui l'avaient
pris pour un imposteur lorsqu'il avait affirmé être l'émissaire de deux
hommes blancs.
L'esclavage à la Liberté (John Hope Franklin) p 37
Malgré
cet assassinat, Estevanico avait ouvert la route à la conquête du
Sud-ouest par les Espagnols. Des Noirs participèrent également aux
expéditions françaises dans le Nouveau Monde. Au Canada, des Noirs
accompagnaient les missionnaires Jésuites. Lorsque les Français se
lancèrent dans la vaste conquête de la vallée du Mississippi au XVIIème
siècle, les Noirs constituaient une fraction importante des pionniers
qui s'installèrent dans la région. Vers 1790, c'est un Noir de langue
française Jean-Baptiste Point du Sable qui érigea la première maison sur
le futur site de Chicago… Mais il faut noter qu’il n'y avait pas de
Noirs avec les expéditions anglaises outre-Atlantique. Le fait que les
noirs aient contribué dans une aussi large mesure à ouvrir le nouveau
Monde à l'exploitation européenne n'est pas dénue d'une certaine ironie.
Ce fut grâce à ces premiers pionniers que furent découvertes les
possibilités que l'hémisphère occidental recelait et qui allaient
alimenter l'économie de l'Europe.
Ils ouvrirent la voie à
l'exploitation de l'immense richesse que promettaient la production
massive et l'exportation vers l'Europe de certaines cultures
alimentaires de base. Si les Noirs furent présents quand le rideau se
leva sur l'aventure économique du Nouveau Monde, ils devaient par la
suite jouer un rôle encore plus important dans la mise en valeur de ses
ressources. Une fois condamnés à l'esclavage, ils devinrent partie
intégrante de la vie économique de l'Ancien Monde comme du Nouveau
Monde. Quand les pays européens entreprirent de développer ce dernier,
ils s'intéressèrent au premier chef à l'exploitation de ses ressources
naturelles. Ils avaient évidemment le plus grand besoin de main-d'œuvre
et plus elle serait bon marché, mieux cela vaudrait.
Il était donc
naturel d'avoir recours aux Indiens que l'on avait sous la main. Mais
les Européens firent preuve d'une cruauté extrême à l’égard des esclaves
indiens employés dans les mines de Haïti que bien peu de leurs frères
survécurent aux conditions de travail qui leur étaient imposées dans les
champs des Caraïbes. Le faible degré de résistance des Indiens aux
maladies dont les Européens étaient porteurs ainsi que la simplicité du
milieu économique dont ils étaient issus ne les préparaient guère à la
discipline de la plantation, et c'est pourquoi ils furent pratiquement
exclus en tant que travailleurs du système économique institué par les
Européens. Nulle part l'esclavage indien ne se révéla rentable. Ainsi Il
fallait se tourner vers d'autres sources de main d'œuvre si l'on
voulait que le développement agricole du Nouveau Monde ne soit retardé
par une pénurie de personnel. La recherche d'une main-d'œuvre appropriée
et abondante devint ainsi l'une des préoccupations majeures des colons
anglais et espagnols… Bien que les Africains fussent nombreux en Europe à
cette époque et qu'il y en avait dans le Nouveau Monde au moins depuis
1501, il ne vint pas de prime abord à l'esprit des impérialistes
européens que cette population pouvait être la solution au problème de
la main-d’œuvre.
Certes, on employait des Noirs mais les colons et
leurs commanditaires sur l'Ancien Continent mirent très longtemps à se
rendre compte qu'ils constituaient la meilleure armée du travail
possible pour les tâches à effectuer dans le nouveau Monde. On commença
par faire appel aux Blancs pauvres d'Europe. Au cours de la première
moitié du XVIIème siècle, ce furent ces Blancs, misérables et sans
terre, qu'ils recrutèrent pour défricher les forêts et cultiver les
champs. Lorsque le nombre des volontaires qui contractaient un
engagement pour un certain nombre d'années s'avéra insuffisant, les
Anglais recoururent à des moyens plus drastiques. Ils raflèrent dans les
prisons tous les travailleurs qu'ils purent et, comme devait le dire
plus tard Benjamin Franklin, les déversèrent « dans le Nouveau Monde, le
rebut de l'Ancien. L'urgente nécessité dans laquelle se débattaient les
Britanniques devint particulièrement évidente lorsque se multiplièrent
les enlèvements d'enfants, de femmes et d'hommes en état d'ivresse. Eric
Williams rapporte que les conditions dans lesquelles se fit le
transport de ces gens en Amérique n'eurent rien à envier en horreur à
toutes les traversées passées et futures qu'eurent à supporter d'autres
groupes de déportés. Dans les colonies anglaises, de nombreux
propriétaires tentèrent de réduire ces travailleurs à l'état d'esclaves.
Ce ne fut que peu à peu que ces derniers acquirent un statut respectant
leur dignité. L'Angleterre finit par se rendre compte que la
main-d'œuvre blanche ne donnait pas entière satisfaction. On redoutait
que les ouvriers blancs des colonies en viennent à s'intéresser à
l'industrie plus qu'à l'agriculture au détriment de la mère patrie. En
outre, malgré tous les moyens employés pour recruter les travailleurs,
ceux-ci étaient en nombre insuffisant en raison des insatiables besoins
en hommes des plantations de tabac, de riz et d'indigo. Les clauses des
contrats d'engagement étaient une source permanente d'irritation pour
toutes les parties concernées.
Non seulement les intéressés
renâclaient devant l'obligation qui leur était faite de rester dans les
colonies jusqu'à l'expiration de leur contrat, mais encore beaucoup
allaient jusqu'à porter plainte contre leurs patrons et les capitaines
des navires pour détention illégale. Nombreux étaient ceux qui
s'enfuyaient et, comme d'autres individus du même acabit venaient
peupler des régions encore vierges, il était de plus en plus difficile
de les reprendre. Les Anglais commencèrent à se demander pourquoi se
donner tant de mal avec les Blancs alors que les Noirs posaient beaucoup
moins de problèmes. En raison de leur couleur; il était enfantin de
remettre la main sur les évadés. De plus, on pouvait tout simplement les
acheter, et cela évitait les fluctuations constantes de main-d'œuvre au
sein de l'exploitation. Les Noirs, venus d'une terre païenne, ignorant
des idéaux moraux du christianisme, pouvaient être soumis à une
discipline rigide et abaissé moralement et spirituellement, afin
d'assurer la stabilité dans la plantation. A long terme, les esclaves
noirs revinrent, en fait moins cher que les travailleurs blancs et, à
une époque ou les considérations économiques étaient à ce point
capitales, cet argument pesait particulièrement lourd. L'esclavage noir
fut donc érigé en institution et ainsi fut réglé l'un des problèmes les
plus épineux auxquels était confronté le Nouveau Monde. Avec la
possibilité de piocher dans les réserves humaines apparemment
inépuisables de l'Afrique, les soucis de main-d'œuvre étaient écartés.
Les Européens pouvaient être reconnaissants à ceux qui avaient les
premiers exploré les côtes africaines et rapporté cet or noir en Europe.
C'était là la clé de l'un des problèmes les plus pressants de
l'Amérique. Et c'était en même temps la mise en place d'une nouvelle et
importante institution européenne: « la traite des esclaves », ultime
avatar majeur, peut-être de la révolution commerciale, ce fut en soi une
colossale source d'enrichissement pour ceux qui acceptèrent de se
livrer au trafic d'âmes humaines. Néanmoins, ce ne fut qu'en 1517,
lorsque l'évêque Bartolomé* de Las Casas incita les Espagnols à émigrer
vers le Nouveau Monde en les autorisant à y emmener des esclaves
africains que s'ouvrit officiellement la traite des hommes dans le
Nouveau Monde. Dans son désir de soulager les Indiens de l'accablant
fardeau de l'esclavage, Las Casas en venait à recommander de les
remplacer par des Africains. Plus tard, il regretta profondément d'avoir
adopté cette attitude et la désavoua vigoureusement. Ainsi, l'interdit
condamnant l'utilisation d'Africains fut levé, et Charles II accorda à
plusieurs commerçants Flamands des lettres patentes les habilitant à
importer des Noirs dans les colonies espagnoles. Ce monopole était
acquis aux plus offrants et il fut selon les moments, détenu par des
Hollandais, des Portugais, des Français ou des Anglais.
A mesure que
grandirent en taille et en importance les plantations des Antilles, la
traite se développa jusqu'à devenir une immense et fructueuse entreprise
employant des milliers de personnes et ou des millions de dollars de
capitaux étaient engagés. En 1540, on estimait à dix mille le nombre des
esclaves africains importés aux Antilles. Bien que le Portugal ait été
le premier pays d'Europe à se livrer au commerce des esclaves africains,
il ne fit pas partie des principaux pays auxquels ce négoce permit de
réaliser de grands profits. Contrairement aux autres nations qui
accordaient des monopoles à des compagnies puissantes bénéficiant du
soutien de l’Etat, le Portugal préféra laisser son commerce aux mains de
marchands qui ne furent pas de taille à lutter contre leurs concurrents
étrangers. Ce ne fut qu'en 1692 que Lisbonne délivra une licence à la
Compagnie portugaise de Cacheo.
*L'esclavage à la Liberté (John Hope Franklin) pp 33-37
Mais
à cette date, plusieurs compagnies étrangères importantes avaient déjà à
tel point monopolisé la traite que le Portugal ne pu guère ramasser que
les miettes du festin. L'Espagne, exclue d'Afrique par l'arbitrage
papal de 1493, devait se contenter d'accorder le privilège de
transporter des esclaves dans ses colonies. Le commerce des hommes, qui
prit de telles proportions aux XVIIème et XVIIIème siècles était en fait
en très grande partie la chasse gardée de compagnies hollandaises,
françaises et anglaises. Une fois libérée du joug espagnol à la fin du
XVIème siècle, la Hollande se lança hardiment dans la compétition avec
les autres pays d'Europe pour obtenir sa part de la richesse du Nouveau
Monde. C'est ainsi que 12 à 15 millions de Noirs seront arrachés à
l'Afrique.
2- Le Commerce Triangulaire
a - Le départ des négriers vers l'Afrique
Au
départ, les négriers quittaient l'Europe avec des armes, du tissu, de
la poudre à canon, des bijoux... Pour résumer, des richesses. Les
navires négriers partaient de quatre ports: Le Havre, La Rochelle,
Bordeaux et Nantes De 1715 à 1789, il y eut 1427 expéditions de négriers
à partir de Nantes qui devint le premier port négrier. Ce port s'est
lancé dans le commerce d'esclaves vers 1715. Cela pour répondre au
besoin de main d’œuvre des colonies. L'organisation d'un voyage est la
responsabilité de l'armateur. C'est lui qui fait construire, armer, et
équiper le navire. Ils trouvent les gens prêts à investir de l'argent
dans l'expédition, car c'est rare que quelqu'un ait assez d'argent pour
le faire seul. Donc, des gens achètent des parts. S'il y a des
bénéfices, ils sont partagés en fonction de la part de chacun. S'il y a
des pertes, elles sont partagées de la même façon. Un armateur très
connu de Nantes est Guillaume Grou. Il réalisa, avec la traite négrière,
une énorme fortune dans les années 1730-1740.
b - L'achat des esclaves sur les côtes Africaines
Gorée
est une petite île, longue de 900 m et large de 300 m, à trois
kilomètres au large de Dakar, qui, il n'y a pas si longtemps encore,
était l'un des entrepôts de la traite négrière (Gorée n'est bien sûr pas
le seul endroit: d'autres villes et d'autres forts ont participé à
cette traite négrière). En effet, c'est ici que les esclaves étaient
achetés pour être emmenés vers le Nouveau Monde. Ces esclaves étaient
amenés ici par des marchands que les Européens payaient avec de la
pacotille, de la poudre, des fusils et quelques bijoux pour aller les
chercher dans des villages. Dans cette jolie petite île bien abritée des
alizés vinrent mouiller pendant quatre siècles, les bateaux négriers
venant d'Espagne, du Portugal, de France, du Danemark, et de
l'Angleterre. Les équipages arrachèrent à leurs pays les hommes et
femmes les plus forts et pillèrent les richesses de l'Afrique. La maison
des esclaves constitue le principal vestige de la pratique du commerce
du "bois d'ébène" sur l'île. Elle servait à enfermer les Nègres en
attendant que l'on vienne les chercher afin de les emmener, pour les
vendre, de l'autre côté de l'Atlantique En 1978, l'île de Gorée a été
inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO.
c - La route vers le nouveau Monde
Le
trajet durait 3 à 6 semaines. Dans les cales du bateau de nombreux
esclaves meurent à cause des maladies qui se propagent vite car les
hommes et les femmes sont serrés et entassés les uns sur les autres: il
pouvait y avoir jusqu'à 600 hommes sur un bateau. En général plus des
trois quarts des chargements ne résistaient pas à ce traitement Un
négrier était plutôt petit. Il avait trois mats un grand, un petit et un
moyen. Pour équilibrer le navire, on mettait des pierres dans le fond
de la cale. C'était un bateau très rapide. Les négriers étaient attaqués
par la marine de guerre anglaise car après 1807, le commerce des
esclaves était devenu illégal. Pour ne pas être pris, les négriers
utilisaient leurs canons. Mais si la marine anglaise était trop forte,
ils jetaient parfois les esclaves à la mer. Comme ça, il n'y avait
aucune preuve que les esclaves avaient été embarqués.
d - L'arrivée en Amérique
Une
fois arrivé sur les côtes américaines les esclaves survivants étaient
vendus. Le prix d'un esclave était fonction de son sexe, de son âge, de
son état de santé et de sa force physique. Avant la vente le marchand
essayait "d'embellir" ses esclaves en les nourrissant correctement, en
leur passant de l'huile sur le corps. L'acheteur, lui, cherchait les
moindres imperfections pour faire baisser le prix: une dent en moins,
une blessure ou une maladie quelconque entraînaient des rabais. Après
s'être débarrassé de leur marchandise, (il faut savoir que les esclaves
étaient considérés comme des objets) les négriers repartaient vers
l'Europe, leurs navires pleins de produits tropicaux (sucre, café,
tabac, coton...) qui allaient être revendus dans les pays d'Europe.
e - La vie en Amérique
Dans
les colonies du Nord, les esclaves étaient utilisés à des tâches
domestiques et dans le commerce. Dans les colonies du centre ils étaient
davantage utilisés dans l'agriculture, et dans les colonies du Sud où
dominait l'agriculture de plantations, presque tous les esclaves
travaillaient dans celles-ci. Dans les plantations de coton, de café et
de canne à sucre, les trois grandes plantes "esclavagistes", les
conditions de vie étaient souvent atroces. Le travail épuisait les
esclaves du matin tôt jusque tard dans la nuit: Aux Antilles, les
esclaves étaient réveillés vers 5 h du matin par un claquement de fouet.
Après la prière et l'appel c'est le départ pour les champs. A midi, ils
disposent de deux heures pour préparer leur repas et manger. Puis le
travail reprend jusqu'a la tombée de la nuit. Mais la journée n'est pas
finie pour autant: il faut encore chercher de l'herbe pour le bétail.
Ensuite seulement les esclaves peuvent rentrer dans leur case pour
préparer, en famille, leur repas. Vers minuit, épuisés, ils se jettent
sur leur lit pour une courte nuit de sommeil. Tout esclave souhaitait
retrouver la liberté. Peu nombreux, toutefois, sont ceux qui osent
tenter de s'évader. Les châtiments encourus sont terribles. Le Code
noir, rédigé au temps de Colbert en 1685, punit très durement les
fugitifs: " L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à
compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les
oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lis sur une épaule et
s'il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il
aura le jarret coupé et sera marqué d'une fleur de lis sur l'autre
épaule ; et la troisième fois, il sera puni de mort." Ces pratiques
barbares sont peu à peu abandonnées mais cela n'empêche pas les mauvais
traitements. On voit se constituer des groupes de nègres marron. Le
marronnage (de l'espagnol cimarron qui signifie "sauvage") désigne la
fuite. On distingue le "petit marronnage", une absence de quelques
jours, du "grand marronnage" qui est d'une durée beaucoup plus longue et
éventuellement en bande. Les nègres marrons sont souvent repris mais
ceux qui réussissaient à échapper aux recherches et battues entreprises
pour les retrouver faisait perdre l'argent à leur propriétaire.
3- Le Mécanisme de la traite des esclaves
Puisque c'était l'Angleterre qui avait pris la tête de la traite des
esclaves, il était dans l'ordre des choses que le mécanisme de ce trafic
fut pour une grande part le fruit de son ingéniosité. L'Angleterre ne
fut certes la seule à élaborer les techniques de la traite, mais
l'importance de ses investissements dans cette activité et l'efficacité
dont elle fit preuve firent d'elle un modèle pour les autres pays. C'est
la raison pour laquelle ces techniques sont presque invariablement
associées à son nom. Elles furent mises au point après des années
d'essais et d'erreurs. Au XVIIIème siècle, tous les pays qui faisaient
commerce avec l'Afrique suivaient des procédures bien définies. Il était
indispensable de disposer de bases d'opération: des comptoirs ou
factoreries sur la côte.
Ce n'était qu'une fois ces postes établis,
et en aussi grand nombre que possible, que les affaires pouvaient
commencer. Des navires chargés de marchandises européennes amenaient les
marchands ou approvisionnaient en produits d'échange ceux qui étaient
déjà sur place. Des cotonnades de toute sorte, des ustensiles en cuivre,
en étain et en ivoire, des caisses de verroteries de toutes formes et
de toutes tailles, des fusils, de la poudre, de l'alcool (whisky, Cognac
et rhum) et diverses denrées alimen¬taires étaient les articles les
plus fréquemment échangés contre des esclaves.
La valeur de la
cargaison variait selon le tonnage du navire et l'époque. Il semble que
la cargaison du King Salomon estimée à 4250 livres en 1720 quand il leva
l'ancre a destination de Cape Castle sur la côte occidentale de
l'Afrique était assez représentative. L'esclavage à la Liberté (John
Hope Franklin) p 43 A chaque comptoir opéraient un certain nombre
d'agents chargés d'entretenir des relations amicales avec les Africains
de façon à se procurer ces esclaves. Ils représentaient leur roi et la
compagnie qui les dépêchaient là-bas. Ces postes qui regorgeaient
souvent de marchandises venues d'Europe étaient fortifiés et
militairement protégés. On redoutait en effet les fraudeurs, les
concurrents et les indigènes qui auraient pu être tentés de s'approprier
de ce qu'ils convoitaient sans contrepartie. En arrivant dans un
comptoir d'Afrique, le marchand com-mençait par établir des contacts à
la fois avec les officiels et avec les Africains pourvoyeurs d'esclaves.
La première chose à faire était de se rendre auprès du chef de la tribu
pour s'entendre avec lui et obtenir la permission de travailler sur son
territoire.
Une fois que les cadeaux qui lui étaient offerts
avaient accompli leur œuvre de persuasion, le chef mettait différents
assistants à la disposition du marchand. Le plus important était le
cahoceer chargé de rassembler les esclaves qui seraient vendus au prix
convenu à l'avance entre le chef et le marchand. L'étape suivante
consistait à amener les captifs au marchand pour qu'il les examine.
L'ache¬teur consultait alors son médecin et autres conseillers avant de
se décider à la transaction. Souvent, en effet, les futurs escla¬ves
avaient été si soigneusement enduits d'huile de palme qu'il était
extrêmement difficile de se rendre compte de leur âge ou de leur
condition physique. Les prix variaient évidemment beaucoup en fonction
de l'âge et de la condition physique de l'esclave du moment où
s'effectuait la vente et de la situation géographique du comptoir.
Beaucoup de transactions se réduisaient au troc, mais certains documents
nous apprennent qu'au milieu du XVIIIème siècle, il était courant de
payer vingt livres un homme jeune et en bonne santé au Cape Castle ou
dans un autre comptoir important de la côte guinéenne. Il ne faut pas
s'imaginer qu'il suffisait au marchand d'esclaves d'arriver dans un
port, d'embarquer un chargement d'esclaves et de repartir. En plus des
nombreuses visites de courtoisie et des tractations qu'exigeait le
protocole et auxquelles il se soumettait pour s'assurer la bonne volonté
des chefs locaux, il était souvent difficile de trouver assez
d'esclaves « convenables» pour remplir un bateau de bonne taille. Le
négociant devait souvent attendre deux ou trois semaines avant qu'ait
été rassemblé un lot suffisant d'esclaves pour que la négociation vaille
la peine, et il n'était pas rare qu'un bateau soit obligé de faire
quatre ou cinq escales pour en acheter cinq cents. Les gens du pays
devaient souvent battre la campagne et employer la force pour réunir un
contingent répondant aux exigences des marchands.
Il est évident que
les esclaves ne provenaient pas du voisinage immédiat des comptoirs. Il
fallait également un certain temps pour écouler la cargaison apportée
par le bateau et embarquer les provisions nécessaires au voyage.
L'expérience enseignait aux négociants quelles étaient les marchandises
qui intéressaient leurs interlocuteurs, mais il arrivait parfois que
celles-ci ne soient pas particulièrement appréciées là où ils
réussissaient à trouver des esclaves et si d'aventure, elles leur
restaient sur les bras, force leur était de les ramener en Angleterre.
Quant aux provisions nécessaires à la traversée de l'Atlantique, ils se
les procuraient auprès des agents de la factorerie et des habitants. Les
principales provisions de bouche étaient le maïs, les haricots, les
ignames, les fruits, les noix de coco et les bananes. A cela
s'ajoutaient divers médicaments, dont la malaguette ou poivre de Guinée
en prévision des maladies dont on était quasiment certain que les
captifs souffriraient pendant le voyage.
Le dernier comptoir où il
était possible de se ravitailler était Gorée, sur la côte du Sénégal.
Les Africains ne se laissaient pas capturer, vendre et transporter dans
le Nouveau Monde inconnu sans offrir une résistance acharnée. Des
guerres féroces éclataient entre tribus lorsque les membres d'une
essayaient de capturer des membres d'une autre pour les vendre aux
marchands. Les prisonniers étaient toujours conduits enchaînés au
comptoir, les cahoceer et les négriers s'étant vite rendus compte que
sans cette précaution, ils ne manqueraient pas de s'échapper. Des gardes
les escortaient jusqu'au navire et veillaient à ce qu'ils restent a
bord jusqu'au moment de lever l'ancre. Les Noirs étaient si farouchement
déterminés à ne pas quitter leur pays qu'ils ont souvent sauté des
canots et du bateau dans la mer et sont restés sous l'eau jusqu’à être
noyés pour éviter d'être repris, notait un de ces marchands. A la
première occasion, si jamais il s'en présentait une, beaucoup
préféraient se jeter dans la gueule des requins affamés plutôt que de
partir comme esclaves. ..
4- Sans espoir de retour
Le voyage aux Amériques familièrement appelé le middle passage était
un véritable cauchemar. Les navires étaient le plus souvent surchargés.
Certains qui ne jaugeaient que quatre-vingt dix tonneaux transportaient
390 esclaves en plus de l'équipage et des provisions. Il devint si
courant d'entasser les esclaves que le Parlement britannique estima
nécessaire d'interdire le transport de plus de cinq hommes par trois
tonneaux de chargement pour un bâtiment de deux cents tonneaux. Mais,
comme beaucoup d'autres, cette réglementation ne fut pas appliquée. Plus
les esclaves étaient nombreux plus les profits étaient grands, et rares
étaient les marchands capables de résister à la tentation d'en prendre
quelques-uns en surnombre.
Les malheureux avaient à peine la place
de se tenir debout, de se coucher ou de s'asseoir. Enchaînés deux par
deux, par les poignets et les chevilles, ils ne pouvaient faire aucun
mouvement pour se dégourdir si peu que ce soit. Il ne fait pas de doute
que le surpeuplement favorisait considérablement les maladies et les
épidémies qui se déclaraient pendant la traversée. La variole était
l'une des affections les plus redoutées de l'époque et un observateur
bien informé remarquait qu'elle épargnait rarement les navires négriers.
Plus redoutable encore, peut-être, était la dysenterie à laquelle
échappaient apparemment les Blancs.
Elle débutait par des maux de
tête et des douleurs dorsales, le malade avait des frissons, de la
fièvre et des nausées. Personne, ni Blancs ni Noirs, ne savait la
soigner, et son issue était le plus souvent fatale. L'esclavage à la
Liberté (John Hope Franklin) p 45 La faim qui venait parfois s'ajouter
aux mauvaises conditions sanitaires provoquait des maladies chez les
sujets jusque-là sains. La saleté et la puanteur dues à la promiscuité
et à la maladie aggravaient encore les choses et augmentaient le taux de
mortalité. II n'y avait guère plus de la moitié des esclaves expédiés
d'Afrique qui finissaient par être mis effectivement au travail dans le
Nouveau Monde. Beaucoup de ceux qui n'avaient pas succombé ou ne
s'étaient pas suicidés en sautant à la mer étaient définitivement
mutilés par suite d'une maladie maligne ou estropiés à force de s'être
débattus dans leurs chaînes.
Rien d'étonnant à ce qu'un marchand
arrivant à la Barbade avec 372 esclaves sur les 700 qu'il avait
embarqué. Les chercheurs d'or n'ont jamais à endurer l'épouvantable
esclavage de ceux qui transportent des Noirs car ils connaissent répit
et satisfaction tandis que ceux- ci enduraient une double peine. Leurs
voyages sont nonobstant ruinés par la mortalité, et ils lamentent et se
tourmentent à mort à l'idée de devoir supporter tant de peine et de se
donner tant de mal pour si peu de chose. " Certes, les problèmes ne
manquaient pas, dont la mortalité élevée parmi les Blancs eux-mêmes
n'était pas des moindres. Mais, même en tenant compte des frais
importants qu'occasionne la traite et des pertes qu'entraînait la
mortalité des captifs au cours du transport, le commerce des esclaves
n'en était pas moins l'une des principales sources de richesse de
l'Europe au XVIIème et au XVIIIème siècle.
A la fin du XVIIIème
siècle, le capitaine d'un navire négrier pouvait toucher une commission
de 360 livres sur la vente de 307 esclaves, tandis que le marchand en
empochait 465. Il n'était pas rare qu'un bateau transportant 250
esclaves fasse un bénéfice net de 7000 livres pour une seule traversée.
Le
taux de profit des marchands de Liverpool atteignait parfois 100.
Peut-être les négriers enduraient-ils bien des tribulations, mais s'ils
recherchaient le gain (et quel était celui qu'animaient d'autres motifs
?), il est difficile de prendre au sérieux celui qui se plaignait de se
donner tant de mal pour si peu de chose. Il est impossible de déterminer
le chiffre exact des esclaves africains transportés dans le Nouveau
Monde. En onze ans, de 1783 à la fin de 1793, les seuls marchands de
Liverpool en importèrent 303737 et probablement un nombre égal dans les
onze années qui suivirent. Avant d'atteindre son apogée à la fin du
XVIIIème siècle, la traite s'était développée régulièrement tout au long
des deux siècles précédents. En 1861, Edward E. Dunbar se livra à des
calculs qui firent autorité au cours du siècle qui suivit.
Selon
lui, 887500 esclaves ont été importés au XVIe siècle, 2750000 au XVIIème
siècle, 7000000 au XVIIIème siècle et 3250000 au XIXème siècle. Ces
chiffres ont été remis en cause en 1969 par Philip D. Curtin. En
s'appuyant sur une étude approfondie de documents tels que les archives
des marchands d'esclaves, les états des importations et des populations
d'esclaves à différentes époques, les origines régionales et ethniques
des esclaves débarqués au Nouveau Monde, etc., Curtin a estimé que
241400 esclaves avaient été importés au XVIème siècle, 1341100 au
XVIIème siècle, 6051700 entre 1701 et 1810, et 1898400 entre 1810 et
1870.
Il a évalué le nombre global d'esclaves importés de 1451 à
1870 à 9566100. Si l'on songe à la multitude de ceux qui ont péri en
tentant de résister à la capture, de ceux qui ont succombé pendant la
traversée et des millions qui sont arrivés vivants aux Amériques, le
total atteint des proportions effarantes. Ces chiffres de Curtin,
témoignent des fabuleux profits retirés de ce commerce sordide"de la
façon impitoyable dont il a été mené et des immenses besoins en
main-d'œuvre des colons du Nouveau Monde. Il est plus malaisé de mesurer
les conséquences de la traite sur la vie africaine que de calculer le
nombre de personnes qui ont été enlevées. L'expatriation de millions
d'Africains en moins de quatre siècles représente une des révolutions
sociales les plus lourdes de conséquences et les plus formidables de
l'histoire.
5-Le Plan du Brookes
A) pont inférieur
B) pont inférieur vu en plan,
C) soute des hommes,
D) plates-formes soute des hommes,
E) soute des enfants,
F) plates formes soute des enfants,
G) soute des femmes,
H) plates-formes soute des femmes,
I) salie des canons,
K) gaillard d'arrière.
L) cabine,
M) demi-pont,
N) plates-formes demi-pontt
0) cale,
P) pont supérieur coupe longitudinale,
Q) coupe transversale de la soute des hommes,
R) coupe transversale de la soute des femmes,
S) pont inférieur, avec les plates-formes,
V) pont inférieur sans les plates-formes,
VI) demi-pont avec les plates-formes,
VII) demi-pontt sans les plates-formes.
(NDL)Le Brookes, navire de 320 Tonneaux fut
l'un des dix-huit vaisseaux négriers examinés en 1788 par la commission
chargée de présenter des recommandations au Parlement Anglais en vue
d'établir une réglementation concernant ce type de bateaux. Selon les
abolitionnistes, le Brookes, destiné à recevoir 450 personnes
transportaient 609 esclaves lors d'un de ses voyages. Tiré d'une
brochure de Thomas Clarixson, Londres, 1839 Carnegie Institution of
Washington. Ils ne prenaient que les sujets les plus sains, les plus
robustes, les plus capables et les plus avancés sur le plan culturel. La
chasse aux esclaves était presque exclusivement circonscrite à
l'Afrique occidentale, la région du continent ou la civilisation avait
atteint son point culminant, à l'exception, peut-être, de L’Egypte. La
déportation de la fine fleur de la population a privé l'Afrique d'une
ressource inestimable.
5 Le Rôle de la Renaissance et de la Révolution commerciale dans le développement de l'Esclavage
Ce
sont les forces libérées par la Renaissance et la révolution
commerciale qui ont créé l'esclavage moderne et la traite. La
Renaissance a apporté à l'homme une nouvelle liberté: celle de
poursuivre les fins les plus favorables à l'épanouissement de son âme et
de son corps. Cela devint une quête si passionnée qu'elle entraîna la
destruction de coutumes et de croyances séculaires et même la
disparition du droit pour les autres de poursuivre les mêmes fins pour
eux-mêmes. Car il ne faut pas oublier que la notion de liberté qui se
fit jour dans le monde moderne était à la limite de la licence et
qu'elle engendra une situation proche de l'anarchie. Comme l'a noté W.
E. B. DuBois, c'était la liberté de détruire la liberté, la liberté pour
certains d'exploiter les droits des autres.
C'était, en vérité, une
liberté qui ne prenait guère en compte le concept de responsabilité
sociale. Si un homme était décidé à être libre, qui lui dirait qu'il
n'avait pas le droit d'asservir d'autres hommes? En même temps
qu'apparaîtra cette nouvelle notion de la liberté, la vie économique de
l'Europe entrait dans une époque de renouveau grâce à la révolution
commerciale. L'écroulement de la féodalité, la croissance des villes,
l'intérêt accru pour le négoce et la prise de conscience de la force et
du pouvoir du capital, tous éléments essentiels de la révolution
commerciale firent naître une forme de compétition caractérisée par
l'exploitation implacable de tout ce qui pouvait apparaître comme des
biens économiques. L'émergence en Europe occidentale de nations
puissantes (Espagne, France, Portugal, Angleterre et plus tardivement,
la Hollande) fournit les instruments politiques propres ont canaliser et
a orienter ces nouvelles forces.
L'esclavage à la Liberté (John
Hope Franklin) p 34 L’état, tout en jouant le rôle d'arbitre a l'égard
de la concurrence intérieure stimulait également la compétition entre
ses nationaux et leurs rivaux étrangers. Ainsi, les pays d'Europe
occidentale encourageaient-ils toutes les méthodes, quoi qu'elles
fussent, et quoi qu'employaient les commerçants si elles étaient de
nature à leur apporter un avantage politique ou économique sur d'autres
Etats. L'esprit de la Renaissance qui donnait droit de cité à une
liberté effrénée et la révolution commerciale qui mettait en œuvre des
techniques d'exploitation inédites concoururent a la création de
nouveaux procédés d'acquisition de la richesse et de la puissance. Parmi
ceux-ci figuraient l'esclavage sous sa forme moderne et son corollaire,
l'importation et l'exportation d'esclaves. Sans doute certains noirs
d'Afrique vendus soit à l'Est; soit au Nord, pendant la période de
domination musulmane arrivèrent-ils sur les marchés d'Europe
occidentale.
6- L’Abolition de l’Esclavage
Le
2 mars 1807, les Anglais interdisent la traite atlantique, c'est-à-dire
la déportation des noirs en Amérique, où ils doivent travailler sur les
plantations de coton ou de canne à sucre. Trois ans plus tôt, les
Danois ont montré la voie en interdisant la traite avant tout le monde.
L'année suivante, en 1808, les Etats-Unis interdisent à leur tour
l'importation d'esclaves en provenance d'Afrique.
Ces gouvernements
agissent sous la pression d'un puissant mouvement abolitionniste inspiré
par la secte des Quakers et par les «philosophes» français du XVIIIème
siècle. Dès 1770, les Quakers établis en Nouvelle-Angleterre se sont
interdit la possession d'esclaves. En 1788, un jeune député anglais,
William Wilberforce, a créé la «Société pour l'abolition de la traite»
avec le soutien de son ami, le Premier ministre William Pitt. En France,
en 1789, à la veille de la Révolution, l'abbé Henri Grégoire et Brissot
l'imitent en créant la «Société des Amis des Noirs».
Prenant
exemple sur l'Angleterre, les participants au Congrès de Vienne
demandent le 8 février 1815 à chaque pays d'abolir la traite dans les
meilleurs délais. En France, Napoléon 1er, de retour de l'île d'Elbe
pour deux mois, décide d'une abolition immédiate. Sa décision est
confirmée par le traité de Paris du 20 novembre 1815.
L'Angleterre
va dès lors multiplier les traités internationaux pour dénoncer la
traite clandestine. Sa flotte s'autorise le «droit de visite» sur les
bateaux suspects de transporter des Africains. Après l'abolition de la
traite viendra enfin l'abolition de l'esclavage.
Toujours sous
l'impulsion de William Wilberforce, celui-ci sera aboli en Angleterre en
1833, puis en France en 1848, aux Pays-Bas en 1859, aux Etats-Unis en
1865, au Brésilen 1888... Le paradoxe réside dans le formidable
développement de la traite en même temps que l'on assiste à des prises
de position hostile à l'esclavage, à la traite et que l'on s'oriente peu
à peu vers la Déclaration des Droits de l'homme. On sait que
l'esclavage a été aboli de nombreuses fois en 1794,1815,1848 ces dates
variant d'ailleurs selon qu'il s'agissent des Antilles, de la Réunion ou
de l'île Maurice par exemple. Mais on oublie que si les populations
noires ont été finalement sauvées en grande partie par l'action
déterminante de Victor Schoelcher (dont on entend parler à propos de
Hugo et de ses Châtiments, elles ne sont pas restées passives la plupart
du temps.
Ainsi il faut retenir que l'histoire de l'esclavage a été
jalonnée de révoltes voire de guerres. Aussi bien à Haïti , qu'à Cuba ,
Saint Domingue, les révoltes sanglantes témoignent de ce que la
relation entre les colonisateurs et les peuples noirs a fortiori les
esclaves n'était pas une relation fondée sur le consensus. En
particulier, on ignore les déchirements causés par les abolitions et les
rétablissements successifs de l'esclavage. On lira à ce propos le
merveilleux roman d'Alejo Carpentier Le siècle des Lumières où il évoque
les soubresauts de la révolution de 1789 et de ses conséquences dans
les Antilles tant françaises qu'espagnoles. Et malgré l’abolition de
l’esclavage, les noirs vivaient dans l’injustice
Conclusion
La
traite a duré officiellement quatre( 4 ) siècles. Les premiers négriers
ont été les Arabes. Concernant l'esclavage européen, on estime a 25
millions le nombre des nègres arrivés sains et saufs en Amérique, et que
pour un nègre arrivé, quatre sont mort durant le trajet. La traversée
se fait dans des conditions épouvantables, morts et suicides. Les
négriers choisissaient des hommes valides, dans la 25e année, ainsi que
les jeunes femmes, c’est une véritable saignée dans la population. La
traite négrière a été un traumatisme violent, sans précédent dans
l’histoire. Les Africains déportés, pour résister culturellement dans
ces conditions difficiles pratiquèrent le culte de la mémoire.
Littérature, poésie de la mémoire, ou la traite tient une grande place.
La traite n’a pas été l’œuvre du seul blanc, elle a été rendue possible a
cette échelle par la complicité de roitelets noirs, d’où la rancœur de
certains noirs américains envers les africains.
(NDL) : En
encourageant les Africains à se déchirer dans des combats fratricides
avec les armes à feu qu'ils leur prodiguaient, les Européens ont rendu
encore plus difficile la cicatrisation de la plaie béante laissée par la
traite. L'Afrique, dont le développement culturel était d'un ordre de
grandeur comparable celui de l'Europe au début du XVème siècle a reçu de
ses voisins chrétiens du Nord la plus funeste des influences. Ce fut
dans des circonstances désastreuses qu'elle est entrée dans une phase de
régression qui allait durer jusqu'à ce que l'impérialisme, en
l'asservissant, lui porte le coup de grâce au XIXème siècle.
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