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George Padmore (1902-1959), l'un des pères du panafricanisme

          George Padmore est une des plus grandes figures du panafricanisme, dont il pourrait revendiquer la paternité, au même titre que des figures comme W.E.B Du Bois. Il a consacré sa vie à l’unification des africains et des descendants d’africains.

Malcolm Ivan Nurse est le fils d’un conseiller agricole et d’une institutrice. Il est né le 28 juillet 1902 à Tacarigua, dans l'île de Trinidad.

Il suit ses études primaires et élementaires dans l’île de Trinidad, et se lie d’amitié avec CLR James, un futur grand écrivain, qui sera son ami d’enfance. Malcolm est familiarisé aux idées panafricanistes grâce à son père, un grand lecteur, qui a assisté aux meetings organisés par un autre apôtre du panafricanisme, Henry Sylvester Williams, lors de son séjour à Trinidad en 1901.

L’un des premiers emplois du jeune Malcolm sera celui de journaliste. Il se marie à Julia Semper avant de quitter Trinidad pour Fisk University dans l’état du Tennessee. (Tous les antillais qui voulaient effectuer des études universitaires devaient partir loin de chez eux car il n’y avait pas d’institutions universitaires dans les Antilles britanniques). Il commence a étudier la médécine, puis se lance dans des études de droit à Howard University afin dira t-il dans sa fiche d’inscription, de pratiquer le droit au Libéria.

Il continue d'écrire, à la fois pour la presse à Trinidad et pour les journaux des universités qu'il fréquente. Il prend le nom de "George Padmore" (afin que ses activités militantes ne mettent pas en danger sa famille) et adhère au parti communiste américain qui à cette époque défend l'égalité raciale.
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George Padmore, un panafricaniste oublié ?  
George Padmore, un panafricaniste oublié ?
© endarkenment.com
 
   
   

Padmore adhère à différentes organisations, participe à un congrès de la Ligue anti impérialiste (LAI), est élu membre du comité international des travailleurs noirs. Une congrès est organisée en juillet 1930 à Hambourg, regroupant des Noirs originaires de diverses parties du monde, y compris des africains.

Les résolutions du congrès incluent le développement d'un leadership efficace pour les travailleurs, et une demande de salaire égal à travail égal, quelque soit la nationalité ou le sexe. La lutte contre les barrières raciales dans les syndicats est également incluse dans les revendications.

Padmore écrit six pamphlets pour le comité international des syndicats de travailleurs noirs (ITUCNW), y compris un qui est en réalité un livre, the "Life and Struggles of Negro Workers" publié en 1931. Dans ce livre, il analyse la situation des soldats et des travailleurs noirs aux Amériques et en Afrique, leur éveil politique. Dans le passage sur la tragédie du chemin de fer congo-océan, dont la construction coûta la vie à plusieurs milliers d'africains, il écrit : "l'un des plus grands carnages qui ait jamais été accomplis en Afrique eut lieu en 1928 (...) La révolte de 1928, tout comme la précédente était due à de nombreuses causes dont la principale était l'irritation des indigènes contre le traitement inhumain qui leur était infligé par les surveillants dans les travaux de construction de chemins de fer et de mines"

Fin 1931, Padmore remplace l'afro-américain James Ford en tant que chairman du comité international des syndicats de travailleurs noirs et son journal the "Negro Worker". Padmore essaye d'insuffler via le journal un programme d'education de masse afin de sensibilier la population noire à l'importance des syndicats et de l'utilité des actions collectives contre l'exploitation.
   
George Padmore (au premier plan) en compagnie de Richard Wright qui fut un de ses proches  
George Padmore (au premier plan) en compagnie de Richard Wright qui fut un de ses proches
© lib.uchicago.edu
 
   
   

En 1934, George Padmore démissionne du Comintern parcequ’il est en désaccord avec le pacte signé entre la France (puissance impérialiste à ses yeux) et Staline. Il s'oppose à la nouvelle philosophie communiste qui lui demandait d'enseigner que les ennemis des peuples exploités n’étaient plus les puissances impérialistes, mais les mouvements fascistes qui prenaient de l’ampleur en Europe.

Padmore est alors critiqué par ses anciens partenaires communistes. Surveillé par les services secrets britanniques qui tiennent a avoir un œil sur lui, il s’établit à Londres et gagne sa vie comme journaliste pour différents journaux s’intéressant a la cause noire dans le monde. Il fréquente certaines personnalités connues, (ou qui le deviendront) parmi lesquelles CLR James, qui fut son ami d’enfance, ITA Wallace Johnson, un syndicaliste sierra-léonais qui vit à cette époque là à Londres. Il fréquente également Jomo Kenyatta et Ras.T.Makonnen.

Ils se réunissent en 1935 pour former un mouvement, «l’International African Friends of Abyssinia », pour protester contre l’invasion italienne en Abyssinie (Ethiopie). La campagne échoue cependant.

A partir du milieu des années 30, Padmore écrit presque hebdomadairement pour les journaux noirs du monde entier parmi lesquels le journal jamaïcain « Public Opinion », le journal de la Goald Coast « Ashanti Pioneer », ou encore des journaux américains comme le « Chicago Defender », et « Crisis », édité par WEB DuBois. Dans ses articles, il informe les lecteurs de ce qui se passe dans le monde noir en dehors de leurs frontières. Il présente ainsi la situation en Afrique de l’ouest ou australe aux lecteurs noirs américains.

Pendant la seconde guerre mondiale, l’activisme est quelque peu en berne, cependant, Padmore organise une protestation contre les déclarations de Churchill qui affirme que la souveraineté et le droit à l’autodétermination seront rendus aux peuples qui les ont perdu, mais que cela ne s’applique pas aux colonies. Padmore fera envoyer un manifeste aux Nations-Unies et organiser deux conférences sur le sujet.

Le congrès panafricain de Manchester se tient en octobre 1945. Padmore en est un des maîtres d'oeuvre. Y participent des syndicalistes, présents a la première conférence de la fédération mondiale des syndicats. A cause de problèmes de déplacement, le seul afro-américain présent est WEB Du Bois.
Parmi les résolutions du congrès, la demande d’indépendance pour les colonies africaines, de l’égalité pour tous en Afrique du sud, la mise en place d’une fédération et d’un gouvernement propre pour les colonies des Antilles britanniques, et enfin la mise hors la loi de la discrimination basée sur la race ou la couleur en Grande-Bretagne. Tout cet activisme est rendu possible par les talents de financier de RAS T Makonnen.
   
   


 
   
   

       Après la seconde guerre mondiale, Padmore crée l’agence de presse panafricaine, et continue d’écrire pour des journaux du monde noir dans le monde entier jusqu'à ce que l’hystérie anti-communiste mène à son exclusion…Padmore devient alors secrétaire générale de la fédération panafricaine, qui continue à s’impliquer dans les problèmes locaux et internationaux en Afrique et au sein de la diaspora noire.

Il discute avec l’homme politique nigérian Nnamdi Azikiwé des possibilités d’organiser un congrès panafricain en Afrique, mais après la victoire du parti de Nkrumah en 1951, c’est ce dernier qui s’occupera de la mise sur pied d’un tel congrès en Afrique. Padmore écrit à Du Bois et constate que « les nationalistes africains et les mouvements anti-impérialistes sont accusés d’être communistes ou a la solde de Moscou. Ce qui a conduit à la division du mouvement anti-impérialiste ».
Padmore qui ne peut plus écrire dans les journaux, commence a publier des livres. Son premier livre analyse les différents problèmes qu’on peut recontrer dans l’Afrique britannique, dans un livre intitulé « Africa : Britain’s third empire » publié en 1949 à Londres.

Padmore travaille également sur un autre livre, qui sera publié en 1956. Il s’intitule "panafricanism or communism ? ". Ce livre raconte le combat historique des africains et des peuples d’ascendance africaine pour leurs droits et leur autodétermination dans le monde moderne.

Padmore écrit ce livre partiellement pour discréditer une certaine propagande répandue selon lui par les impérialistes qui voudrait que tout l’activisme politique ou les revendications visant à obtenir l’indépendance soient d’inspiration communistes.

Un des amis de Padmore, le célèbre romancier américain Richard Wright, décrit en 1956 la maison de ce dernier comme "un bureau et une salle de travail par laquelle sont passés tous les leaders actuels de l’Afrique". Parmi ces leaders figure en 1945 Francis Nkrumah, qui arrive des Etats-Unis et est recommandé à Padmore par CLR James. Nkrumah participera à l’organisation du congrès panafricain de Londres et c’est à cette époque qu’il de décidera de s'appeler Kwame.
   
George Padmore est enterré à Accra au Ghana  
George Padmore est enterré à Accra au Ghana
© memphis.edu
 
   
   

Entre Nkrumah et Padmore, c’est le début d’une collaboration qui durera jusqu’à la mort de ce dernier. Après son retour au pays en 1947, Nkrumah restera en contact avec Padmore qui lui réside à Londres et qui y défendra la "révolution de la Gold Coast". Padmore continue également, en Grande-Bretagne et l’étranger, à écrire, donner des conférences et faire du lobbying pour lutter contre l’impérialisme

En 1951, il se rend pour la première fois au Ghana. Il y retournera en 1957 comme invité spécial pour les célébrations de l’indépendance, puis reviendra quelques mois plus tard pour accepter le poste que Nkrumah lui a proposé, celui de conseiller aux affaires africaines. La présence d’un autre non ghanéen, proche de Nkrumah provoque quelques ressentiments avec lesquels Padmore devra composer. Il se rend dans divers pays africains (Soudan, Ethiopie, Egypte, Libye, Tunisie, Maroc, Libéria)pour finaliser les arrangements préalables à la conférence des Etats indépendants, qui doit se tenir en avril 1958 à Accra.

Puis il est de nouveau sur le pont pour rallier les activistes des pays indépendants et des colonies africaines à la « All African Peoples’ Conference » (AAPC) qui doit se tenir à Accra en décembre 1958. Pour lui, c’est l’aboutissement , le couronnement du travail de toute une vie . Plus de 300 délégués de 28 pays se rendent à Accra. La conférence élit le kenyan Tom Mboya comme président, et Padmore comme secrétaire général.

Le leitmotiv de la conférence est « Indépendance et Unité ». Parmi ses buts, l’accélération de la libération des pays africains non encore indépendants, le développement d’un sentiment de communauté au sein des peuples africains , l’émergence des Etats-Unis d’Afrique. La conférence encourage les regroupements régionaux en tant qu’étape pour y arriver.

Les résolutions demandent :

-la fin immédiate de l’exploitation économique et politique des africains par les impérialistes européens,

-un soutien total à tous les combattants de la liberté en Afrique, à ceux qui utilisent des moyens pacifiques, et à tous ceux qui sont obligés de répliquer a la violence pour atteindre l’indépendance,

-elles condamnent le système pernicieux raciste et les lois discriminatoires en Afrique du sud, tout en demandant que des sanctions économiques (celles-ci ne seront prises que dans les années 80!) soient prises contre ce pays.

      Au final, la conférence conclut en mettant en garde les africains : « les impérialistes essayent, et continueront d’essayer, de perpétuer leur domination en encourageant le tribalisme et les séparatismes religieux ».

       Padmore est en charge du secrétariat mis en place par la AACP. Il doit également travailler sur une révision de la constitution ghanéenne et la mise en place d’une politique socialiste pour le nouveau pays indépendant. Résidant au Ghana, pays qu’il considère comme modèle de l’indépendance, Padmore n’assistera pas à la chute de Nkrumah et à l’effondrement du socialisme au Ghana : très malade, il est évacué vers Londres pour un traitement, mais meurt le 23 septembre 1959. Il a droit a des funérailles nationales au Ghana, et est enterré à Christianborg Castle le 4 octobre 1959.


24/02/2013
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