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BENIN:La chronique de Jérôme Carlos: La foire aux baisers, bises et bisous

Le baiser, la bise, le bisou. Trois mots pour dire la même chose. A savoir, " action de poser ses lèvres sur le visage, la main ou une autre partie du corps d'une personne". Le baiser est un produit d'importation que les Béninois ont tôt fait d'adopter. Il s'agit d'une pratique culturelle sur l'origine de laquelle les Béninois ne savent pas grand-chose, ne se posent pas de questions.

Deux personnes se rencontrent. Des baisers fusent. Ils sont censés témoigner du degré de parenté, d'amitié, d'affinité, entre ces deux personnes. Et il y a gros à parier que ces personnes, en se séparant, concluent leur rencontre par un baiser ou par une série de baisers. On comprend que le Bénin résonne, de jour et de nuit, de baisers, de bisous et de bises.

Les Béninois n'ont pas inventé le baiser. Leurs ancêtres n'en savaient rien. Mais voilà que, aujourd'hui, ils s'en donnent à cœur joie. Le baiser naît avec le bébé au berceau, traverse la vie avec le jeune homme ou la jeune fille, avant de clore, dans la tombe, un long compagnonnage avec l'homme ou la femme adulte

    Le fait qu'une pratique culturelle venue d'ailleurs a pu ainsi investir et envahir le champ de nos représentations symboliques, s'ancrer dans nos us et coutumes, n'est pas innocent. Il traduit notre perméabilité aux influences extérieures. Il révèle notre aptitude à imiter et à singer les autres. Il dévoile notre propension à nous gaver de tout ce qui nous vient de loin, sans réserve ni discernement, après que nous eûmes jeté par-dessus les moulins tout ce qui nous appartient en propre.

Et puisque l'élève a tendance à faire du zèle pour prouver au maître qu'il est à son école, nous avons, depuis, multiplié par deux les deux baisers règlementaires. Sans que nous sachions si c'est pour faire durer le plaisir ou si c'est pour le plaisir de faire mieux que le maître. Bien que nous soyons régis par le temps quantifié de nos montres, nous n'avons pas conscience, pour autant, du temps que nous perdons à faire durer des bisous qui n'en finissent plus de finir.

A la décharge des Béninois, il y a désormais, fruits succulents tombés de l'arbre de leur génie créateur, des baisers, bisous et bises à la béninoise. C'est déjà bien que cela nous épargne les baisers mouillés que certains vous infligent sur la bouche, de gré ou de force. C'est sûrement mieux qu'en lieu et place du baiser traditionnel où les joues s'effleurent ou se frottent, ce sont deux têtes qui se cognent. Seuls les hommes sont concernés. Les baisers, bises et bisous à la béninoise, sont de sexe masculin.

Mais quelque soit la forme qu'il prend, le baiser, un produit culturel avant tout, est destiné, dans un contexte donné, à signifier quelque chose, à témoigner de quelque chose. On peut le dire ainsi : dans les pays froids du Nord, les gens sont froids. Le "chacun pour soi " ambiant confine le baiser dans les limites étroites des petits cercles de relations. Plus au Sud, dans les pays plutôt chauds du pourtour méditerranéen, le baiser explose. Il traduit une certaine convivialité. Il induit une certaine proximité. On se rapproche de l'autre. On veut le sentir au plus près de soi. Que dire alors de nos pays encore plus chauds ? S'ils n'ont pas inventé le baiser, ils ne lui ont pas moins offert les conditions climatiques et socioculturelles favorables à sa pleine expansion. C'est bon à savoir. Nous ne frotterons plus nos joues, nous ne cognerons plus notre tête contre celles d'autrui comme des robots programmés.

Le savoir, c'est la lumière et qui voit clair, va loin. Savoir ce que baisers, bises et bisous veulent dire. Et nous ne les ferons plus pousser dans le désordre sous nos cieux et sur nos terres. Qui voudrait être à l'image de ce paysan de Zandjannado ? Rêvant de pain et de vin, il s'aventura à faire pousser du blé et de la vigne sur ses terres d'Agonlin. La moisson n'a jamais été à la hauteur de ses espérances. Ou plutôt, la moisson était restée à la hauteur de ses illusions. Nous voilà prévenus : donner désormais un baiser ou faire un bisou, nous oblige. C'est une loi : il nous importe de savoir ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et à quelles fins.

Jérôme Carlos



04/09/2014
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