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Au pays du mâle dominant Honnie soit mâle qui y pense

Au pays du mâle dominant
Honnie soit mâle qui y pense
Publié le 14/03/2012 par Georges-Ruben Yupissi
Livre de M. Pondi
Vanessa Tchatchou

Le sexisme s’exprime de diverses façons au Cameroun. Dans les familles, il exclue les femmes de la succession ou de la jouissance des biens du parent défunt. A l’école, il prend le visage d’un professeur libidineux qui exerce un droit de cuissage sur les étudiantes. Au travail, femmes et hommes ne sont pas également promus… Beaucoup de femmes se plaignent. A juste titre, si l’on observe le rôle social qui leur est donc réservé. Mais ça commence à changer. La révolte du genre est lente mais bel et bien réelle.


Quelque part à Yaoundé, à quelques heures du 8 mars. On prépare la journée internationale de la femme. Parlant à une consœur, une Camerounaise d’adoption déclare que la condition déplorable des femmes n’est pas une exception du pays. La journaliste fronce les sourcils. Son interlocutrice s’empresse de poursuivre son raisonnement. Ce qui est patent et distinctif, c’est que les femmes sont particulièrement sous-représentées.

Une vie professionnelle qui stagne

De fait, la femme camerounaise n’est pas sur le même pied d’égalité que son alter ego. Sandrine Ndomè, cadre dans une grande entreprise publique, explique les raisons du mal-être féminin : " Mon problème, c’est la discrimination au travail. J’avais toujours voulu que ma carrière soit semblable à mon parcours scolaire. J’étais toujours au tableau d’honneur. Mais voilà, on ne me confie rien, sous prétexte que je vais tomber enceinte. Après mon année probatoire en entreprise, j’ai passé trois ans à faire mes preuves. Repoussant justement l’heure du premier bébé. A la cinquième année, alors que les jeunes gens qui avaient commencé avec moi décrochaient des postes à responsabilité, j’ai renoncé à me battre. " Elle peut pourtant s’estimer chanceuse. Fille de magistrate, elle n’a pas connu les difficultés d’Ama, 27 ans. Orpheline, recueillie par une parente, Ama a passé deux ans sans aller à l’école. Un père décédé, une mère qui refuse le lévirat… Et voilà la famille d’Ama à la rue. " On est parti du village pour Bamenda (capitale du Nord-Ouest). Puis, ma mère, ne pouvant supporter la charge de cinq enfants, a fait appel à ses frères. " En racontant son histoire, les yeux d’Ama brillent de détermination. Sous-officier dans l’armée, elle est retournée dans une école d’infirmiers. " Je vais passer un diplôme et comme j’irai tôt à la retraite, je serai toujours capable de travailler. Les soins infirmiers ne sont pas un emploi de bureau ", affirme-t-elle. Son idée est simple : demeurer financièrement indépendante de son compagnon Robert. " What ever the case ", dit cette anglophone en appuyant sur les mots. Entendez : quoi qu’il arrive. Normal, diront ceux qui la connaissent. " Elle n’a pas oublié que ses deux aînées n’ont pas achevé le secondaire. A cause du fait que sa mère ait refusé sans avoir les moyens de se battre ", explique Gwendolyn, son amie.

L’homme, censé assurer les charges du ménage

Liliane Ambiana a elle aussi vécu une triste expérience. Selon elle, le sort des femmes mariées qui réussissent n’est pas toujours enviable : " Une amie a divorcé car son mari était devenu insupportable. Il était fou de jalousie car elle gagnait davantage que lui. Employée par une multinationale, elle a repris sa liberté. Les problèmes les plus simples étaient devenus insolubles dans leur couple. " Elle reconnaît qu’il s’agit d’une infime minorité. En général, selon Liliane, beaucoup de femmes sont dépendantes des revenus du mari mais essaient de le devenir. " C’est pourquoi partout au Cameroun, elles s’activent pour participer aux charges du ménage ", constate cette quadra plutôt libre. " J’ai refusé de me marier à plusieurs reprises quand j’étais jeune. Ma famille mettait la pression pour que j’accepte tel ou tel beau parti. J’ai eu de la chance de tomber sur un gentleman. "

Se marier suivant les canons sociaux dominants : dans la sphère ethnique, avec un homme qui peut assumer les charges du ménage ? Beaucoup de femmes s’y refusent désormais. " Sinon, tu seras une chose dans le foyer. En ville notamment, quand une femme n’est pas capable de donner elle-même de l’argent à ses parents malades, c’est un calvaire. Il lui faudra se soumettre à un mari sûr d’être un sauveur. Ne parlons pas des besoins de coquetterie, etc. "

Harcèlement sexuel : toujours d’actualité

Femme libérée, Liliane peut se battre seule. Mais pour une Liliane, on compte encore des milliers de victimes de la domination des mâles. Un professeur d’université, Jean-Emmanuel Pondi, a d’ailleurs publié récemment un livre dénonçant le harcèlement sexuel dans les campus. Il y a repris le témoignage d’une victime, belle dame de la jet-set. Il s’agit d’Elise Mballa Meka, danseuse et écrivaine célèbre, ancienne étudiante. Plus bruyante est la revendication d’une lycéenne. Accouchée dans un grand hôpital de Yaoundé en août 2011, Vanessa Tchatchou s’est fait voler son bébé. Une pratique dont sont victimes de nombreuses camerounaises. Mais l’ado de 17 ans a dit basta, refusant de quitter l’hôpital. Le scandale a éclaté. Au point de faire réagir les renseignements généraux et la présidence de la République. La preuve que les temps changent ?



28/03/2012
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