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Mogadiscio: l'espoir d'une renaissance

 

«Mogadiscio, passés oubliés et futurs lointains»: l'exposition qui se tient à Londres est pleine de promesses quant à la capitale somalienne. Malgré un passé douloureux, le retour au pays des exilés somaliens dessine l'avenir du pays sous un jour meilleur.

Mogadiscio : photo de la ville illustrant l'affiche de l'exposition © Olivier Favel

l'auteur

L'International Architecture & Design Showcase propose une série de manifestations à Londres entre juin et août 2012, à l'initiative du British Council.

Parmi les cinq pays africains représentés, la Somalie offre une voix attendue et renaissante avec l'exposition Mogadiscio, passés oubliés et futurs lointains (Mogadishu, forgotted pasts and distant futures) qui a ouvert le 5 juillet 2012. 

Cette participation est l'écho culturel d'une résurrection politique dont la conférence de Londres, en février dernier (VIDEO), a été l'élément fondateur. La capitale accueille une part substantielle de la communauté somalienne en Angleterre, la plus importante de toute la diaspora londonienne.

Son dynamisme joue un rôle moteur dans la mise en place d'une identité nouvelle. Parmi ses membres, on a compté jusqu'en 2010 Mohamed Nur, l'actuel maire de Mogadiscio.

Sur l'ensemble du Royaume-Uni, les effectifs de la diaspora somalienne sont estimés, suivant les sources, entre 80.000 et 400.000 personnes.

À l'ouverture de cette exposition, j'ai rencontré quelques membres de la jeune élite diplomée, dont certains songent désormais à un possible retour.

En direct des coulisses

34 ans, veste sombre, chemise fermée sans cravate, petites lunettes rondes à monture en plastique, Rashid Ali — l'architecte à l'initiative du projet — a la voix claire et déterminée.

Je l'entends qui exhorte les employés lors des derniers préparatifs du vernissage: «Fast, please!» (Vite, s'il vous plaît!). Sa fragile assurance est celle d'un homme jeune et sage, qui suit sa route vers de hautes responsabilités.

(Une photographie de Mogadiscio présentée dans la structure de l'exposition. DR)

L'installation prend place dans la très belle cour intérieure de la bibliothèque centrale de Camden, au nord de Londres. L'architecte du lieu est Sir Basil Spence, un chef de file du modernisme anglais, célèbre pour sa reconstruction de la cathédrale de Coventry, ville martyre de la Seconde guerre mondiale.

Le cube ventilé et méditatif, que la bibliothèque abrite jusqu'au 5 août, est une réponse raffinée à son esthétique ouverte et apaisante. À l'intérieur, trois séries d'images se succèdent, accompagnées d'un chant somali et de deux créations contemporaines, elles aussi harmonieuses et épurées.

Les images proviennent de fonds publics comme de collections privées, italiennes pour l'essentiel. Elles racontent le destin d'une ville qui, moins prestigieuse que sa rivale Asmara, joyau érythréen de l'expansion coloniale italienne, n'en a pas moins connu deux plans régulateurs. L'Italie est loin désormais, réduite à un lieu de transit pour une diaspora rompue aux migrations secondaires.

«À Rome, les Somaliens sont dans la rue», fait remarquer Rashid. «Les Italiens nous ont oubliés», confirme son ami Abdul Elmi, dont le père parle encore parfaitement italien. Un souvenir d'école.

 

Souvenirs douloureux

Dans une ville ravagée par la guerre, les schémas de développement du colonisateur forment un précédent mythique qui sert à interroger l'avenir.

Né à Mogadiscio, Rashid Ali n'en a que des souvenirs d'enfance, et ces archives sont là aussi pour nourrir son imaginaire.

Dans son mélange d'architecture arabisante et latine, la capitale était, à l'échelle d'un pays peuplé de nomades, l'unique métropole et donc la référence en matière d'urbanisme.

Ce prestige s'est enrichi encore de quelques monuments symboles: le Théâtre national par exemple, qu'une bombe a dévasté en avril seulement quelques jours après sa réouverture. Ahmed, un ami de Rashid, m'explique que son père se trouvait à quelques pas de la déflagration: il faisait alors partie de ceux rentrés au pays, croyant en un possible retour au calme.

Le temps de regagner Mogadiscio

Des liaisons aériennes régulières depuis l'Europe ont été rétablies cette année.

«Tout le monde veut rentrer au pays», m'explique Rashid Ali.

Les vols sont complets jusqu'en septembre. Son rêve serait que son installation rejoigne Mogadiscio l'an prochain. La sortie du chaos ne fait pour lui aucun doute.

La question est désormais de savoir quel genre de ville on peut imaginer, si ce qui en subsiste permet encore de maintenir un lien avec le passé, ou s'il faut tout reconstruire de zéro.

Pour ces «avenirs lointains», le rôle de la diaspora est essentiel. C'est dans ses rangs que l'on trouve ce qui manque cruellement au pays, après vingt ans de guerre civile: des connaissances et des moyens.

Mogadishu. Forgotten Pasts and Distant Futures
Swiss Cottage Library, 88 Avenue Road, NW3 3HA
Du lundi au samedi de 10h à 18h.

Olivier Favier

Affiche officielle de l'exposition

(Affiche officielle de l'exposition)



08/08/2012
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