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voici le fameux rapport VEDRINE qui veut une fois encore reconquerir l'Afrique

 

RAPPORT POUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE 
FRANCAISE SUR LES CONSEQUENCES DU RETOUR DE LA 
FRANCE DANS LE COMMANDEMENT INTEGRE DE L’OTAN, 

SUR L’AVENIR DE LA RELATION TRANSATLANTIQUE ET 
LES PERSPECTIVES DE L’EUROPE DE LA DEFENSE 

 

 


 

 

 

I. EVALUATION 


 

 

 

1. RAPPEL DE L’HISTORIQUE DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET L’OTAN 


 

 

A. L’Alliance Atlantique a été créée à Washington, le 4 avril 1949, par la signature du « Traité de 
l’Atlantique Nord », après que l’administration Truman eut réussi à convaincre le Sénat américain, 
réticent à prendre, pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un engagement aussi 
contraignant que celui contenu dans son article 5 : 


 

« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en 
Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, 
et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans 
l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte 
des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, 
individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris 
l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.» 

 

Dès l’après-guerre, la France avait oeuvré pour arrimer les États-Unis à l’Europe de l’Ouest par une 
alliance permanente, afin de ne pas revivre les années 20, protéger l’Europe de l’Ouest contre la 
menace soviétique, et, sans le dire, encadrer la question allemande. Elle fut donc logiquement un des 
douze membres fondateurs de l’Alliance, et un des plus actifs. 

 

L’Organisation elle-même du Traité, le « O » d’OTAN, n’est mise sur pied que deux ans plus tard, en 
avril 1951, en réaction au traumatisme de l’attaque surprise chinoise et soviétique contre la Corée en 
juin 1950. Le but est que les Alliés soient militairement organisés en Europe de l’Ouest en temps de 
paix, pour pouvoir réagir promptement à toute attaque soviétique, comme s’ils étaient déjà en temps de 
guerre : d’où l’intégration et le contrôle par le Pentagone de la planification et de la chaîne de 
commandement imposés sans contestation par les États-Unis, le commandant en chef des forces 
alliées, le SACEUR (Supreme Allied Commander Europe) étant d’ailleurs toujours américain. Le 
Général Eisenhower est brièvement le premier SACEUR, avant son élection à la Présidence des États-
Unis en 1952. Le quartier général, SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers in Europe), est 
implanté à Rocquencourt. Après le rejet de la CED par l’Assemblée Nationale française le 30 août 1954, 
astuce euro-américaine mort-née pour faire admettre aux parlementaires français le réarmement 
allemand, la RFA (République Fédérale Allemande) est admise dans l’OTAN en mai 1955. A l’époque 
en sont membres outre les États-Unis, la Belgique, le Canada, le Danemark, la France, l’Italie, l’Islande, 
le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie (depuis 
1952), et donc aussi l’Allemagne. 

 

 

B. La décision du général de Gaulle de retrait du commandement intégré. 


 

Dès le 17 septembre 1958, le Général de Gaulle, alors qu’il n’était encore que Président du Conseil, 
adresse au Président Eisenhower et au premier Ministre Macmillan un Mémorandum réclamant une 
direction tripartite (États-Unis, Grande-Bretagne et France), pour l’Alliance et une prise en compte 


mondiale, et pas seulement atlantique, de leur sécurité. Malgré des conversations triparties, trois 
années durant, après cette démarche, ni J.F. Kennedy qui pourtant avait évoqué un « pilier européen » 
de l’Alliance, ni encore moins L. Johnson, ne modifient les modes de décision et de subordination dans 
l’Alliance. Le commandant en chef des forces de l’OTAN a même interdiction de révéler aux autorités 
nationales, et donc au Président français, sur quelles bases sur leur propre territoire sont entreposées 
les armes nucléaires de l’Alliance. 

 

En outre, le Général de Gaulle voulait doter la France d’une stratégie nucléaire de stricte dissuasion. Il 
s’oppose donc à la stratégie dite de « riposte graduée » (flexible response) que le secrétaire à la 
Défense Mac Namara voulait (et réussit plus tard à) imposer à l’Alliance, à la place de la doctrine 
« Dulles » dite des représailles massives, substitution qui impliquait, pour préserver les États-Unis, le 
risque d’une bataille nucléaire limitée au territoire européen, avant de mettre en jeu la dissuasion 
stratégique américaine. Il s’inquiète aussi d’un possible engrenage au Vietnam, d’où son avertissement 
dans son fameux discours de Phnom-Penh le 1er septembre 1966. Finalement, après huit ans de vaines 
tentatives et quelques décisions de portée limitée, (retraits des flottes françaises de la Méditerranée et 
de l’Atlantique du Commandement intégré en 1959, puis en 1962), le 7 mars 1966, le Général de Gaulle 
annonce, par une lettre manuscrite au Président Johnson, que « la France se propose de recouvrer sur 
son territoire l’entier exercice de sa souveraineté », « cesse sa participation aux commandements 
intégrés », et « ne met plus de forces à la disposition de l’OTAN ». L’opposition d’alors, de gauche, et 
centriste, attaque sévèrement cette décision. La France reste cependant membre de l’Alliance et « est 
prête à s’entendre avec ses Alliés sur les facilités militaires à s’accorder en cas de conflits ». Le quartier 
général de l’OTAN est transféré de Rocquencourt, près de Versailles, à Evere près de Bruxelles. 

 

 

C. Par la suite, cette décision n’est pas remise en cause par les Présidents Pompidou et Giscard d’Estaing 
et même Mitterrand et, avec le temps, un certain consensus s’établit en France sur les avantages 
politico-diplomatiques pour la France de cette situation originale complétée par des arrangements 
pratiques. Après 1990, alors que l’URSS se désagrège, le Président Mitterrand autorise que la France 
participe à des conversations quadripartites au sein de l’OTAN, sur l’avenir de l’organisation, et une 
participation française, au cas par cas, à certains organes militaires intégrés (par exemple le comité 
militaire, à propos des opérations de maintien de la paix en Bosnie). 


 

Fin 1991 le Président américain G.H. Bush et son Secrétaire d’État, James Baker, réussissent d’autant 
plus facilement à faire survivre l’OTAN à la disparition des menaces soviétiques qui avaient provoqué 
sa création, que tous les Alliés, et les pays d’Europe Centrale et Orientale, fraîchement libérés du joug 
soviétique, tous candidats à l’entrée dans l’OTAN, le leur demandent. 

 

En 1993, sous la seconde cohabitation (Mitterrand/ Balladur), le chef de la mission militaire française à 
Evere est autorisé à siéger au comité militaire, pour suivre la crise yougoslave. En janvier 1994, au 
Sommet de l’OTAN, la France se rallie au projet américain de « partenariat pour la Paix » avec les pays 
de l’ex-URSS et accepte le principe de l’élargissement de l’OTAN promu par les États-Unis. En 1994, le 
Livre Blanc français pour la défense prévoit la participation du ministre français de la Défense au 
Conseil atlantique, et du Chef d’état-major des armées au Comité militaire. En mai 1995, au moment 
même de l’élection de Jacques Chirac à la Présidence, se déroule le premier exercice OTAN sur le 
territoire français depuis 1965. 

 

En décembre 1995, au lendemain de l’intervention alliée en Bosnie, le Président Chirac décide de 
réintégrer pleinement l’OTAN. Le ministre des Affaires Étrangères déclare : « La France est prête à 
assumer pleinement son rôle dans le processus de rénovation de l’OTAN ». Il annonce la participation 
du ministre français de la Défense aux travaux du Conseil, la participation de la France au comité 


militaire, au collège de défense de l’OTAN et l’amélioration des relations de travail avec SHAPE. 
Cependant cette tentative de réintégration avorte, pour deux raisons : l’échec de la mise en place d’un 
système de double chaîne de commandement à l’intérieur de l’OTAN (qui aurait théoriquement permis à 
l’adjoint du SACEUR d’activer la chaîne de commandement européenne si les États-Unis décidaient de 
ne pas intervenir) et le refus américain d’octroyer à la France le commandement Sud à Naples (base de 
la VIème flotte américaine). 

 

 

D. Élu président de la République en mai 2007, Nicolas Sarkozy entend procéder à une « rupture », 
notamment avec l’héritage « gaullo-mitterrandien », et plus encore chiraquien, en politique étrangère et 
de défense (même si Jacques Chirac a lui-même tenté de réintégrer le commandement intégré). 


 

Sur l’OTAN, ses arguments sont que puisque la France est l’un des principaux contributeurs, elle doit 
occuper toute sa place pour la planification et la conduite des opérations, et qu’en outre, en réintégrant 
le commandement intégré, elle fera disparaître la défiance des Alliés envers ses initiatives pour une 
Europe de la défense. Mais cette décision s’inscrit aussi explicitement de sa part dans une volonté de 
rapprochement avec l’administration de G. W. Bush, après l’opposition, pourtant justifiée, de Jacques 
Chirac à la guerre américaine en Irak en 2003, et de réinsertion de la France dans la « famille 
occidentale ». Nicolas Sarkozy confirme son intention devant le Congrès des États-Unis, le 7 novembre 
2007 : « Plus l’Europe de la défense sera aboutie, plus la France sera résolue à reprendre toute sa 
place dans l’OTAN. Je souhaite que la France, membre fondateur de notre Alliance et qui est déjà l’un 
de ses premiers contributeurs, prenne toute sa place dans l’effort de rénovation de ses instruments et 
de ses moyens d’action, et fasse évoluer dans ce contexte sa relation avec l’Alliance, en parallèle avec 
l’évolution et le renforcement de l’Europe de la défense ». 

 

Il va plus loin le 17 juin 2008 : « Aujourd’hui, la Commission du Livre blanc (…) conclut que rien ne 
s’oppose à ce que nous participions aux structures militaires de l’OTAN ; car dans mon esprit il ne peut 
y avoir de progrès sur l’intégration de la France dans l’OTAN que s’il y a préalablement un progrès dans 
l’Europe de la défense ». 

 

 

E. Le 19 mars 2009, il confirme par lettre son intention aux chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance 
atlantique. Le retour de la France dans le commandement intégré est proclamé au Sommet de l’OTAN 
de Strasbourg/ Kehl, les 3 et 4 avril 2009. 


 

Le président Sarkozy fait dire qu’il n’a pas à demander de « contreparties » puisqu’à ses yeux ce retour 
correspond aux intérêts de la France, ne remet pas en cause sa souveraineté, et n’est pas un sacrifice 
nécessitant d’être compensé. Mais il demande que la France retrouve sa « juste place » - une des 
premières - dans l’OTAN. Les « nouvelles perspectives » pour l’Europe de la défense qu’il espère se 
situent plus sur le plan des capacités militaires, industrielles et technologiques, qu’institutionnel. Le 
Président Sarkozy pense aussi avoir obtenu des garanties avec l’article 20 du communiqué du Sommet 
de l’OTAN de 2009 : « l’OTAN reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus 
performante et se félicite des efforts que déploie l’Union européenne pour renforcer ses capacités et 
son aptitude à relever les défis de sécurité communs auxquels l’OTAN et l’Union européenne sont 
confrontés aujourd’hui ». 

 

Les trois conditions qui avaient été posées à la pleine participation de la France aux structures de 
l’OTAN, dans le Livre blanc français « sur la défense et la sécurité nationale » de juin 2008, étaient : la 
liberté d’appréciation totale pour la contribution de la France à des opérations de l’OTAN ; le maintien 
de l’indépendance nucléaire (la France a d’ailleurs confirmé en 2009 à juste titre sa non-participation au 


NPG groupe des plans nucléaires, ce qu’il ne faut pas modifier) ; le fait qu’aucune force française ne 
serait placée en permanence sous un commandement de l’OTAN en temps de paix. 

 

Souhaitée par l’institution militaire, approuvée par la majorité d’alors, cette décision a été critiquée par 
l’opposition de l’époque (Gauche et Verts), ainsi que par certaines personnalités de la majorité UMP, 
sceptiques sur les bienfaits à attendre de ce retour. 

 

 

2. L’EVALUATION DES CONSEQUENCES DU RETOUR 


 

Le recul est faible : cinq ans après la décision de retour, trois ans après sa mise en oeuvre, il ne peut 
s’agir que d’une évaluation provisoire. Elle doit porter sur l’influence de la France dans l’OTAN (postes, 
opérations, stratégie et intérêts industriels), sur l’effet sur l’Europe et sur l’image diplomatique de la 
France. 

 

 

A. L’INFLUENCE DE LA FRANCE DANS L’OTAN 


 

a) La plus facile à analyser concerne les postes obtenus par la France : L’OTAN comprend 
deux commandements « suprêmes » auprès du Secrétaire général : le nouveau commandement allié 
chargé de la transformation (Allied Command Transformation) situé à Norfolk (États-Unis), créé en 
2003, et le commandement allié des opérations (Allied Command Operations), tenu par un Américain, 
situé au SHAPE, à Mons (Belgique), militairement décisif. La France a obtenu en 2009 le poste de 
Commandant Suprême Allié de la Transformation (SACT : Supreme Allied Commander 
Transformation). Ce commandement est chargé de l’élaboration des concepts et des doctrines de 
l’Alliance, de l’entraînement des forces et de la préparation des capacités militaires. A ce titre, il est 
responsable de la promotion et de la mise en oeuvre de la Smart Defence (voir plus loin). 

 

Premier officier général non américain nommé à ce poste, le général français Abrial a occupé la 
fonction de SACT de 2009 à 2012, date à laquelle il a été remplacé par le général Palomeros. Cent 
trente militaires français y seront affectés à terme. L’attribution de ce commandement a permis que la 
France participe aux réflexions prospectives sur l’Alliance, et à la définition du nouveau concept 
stratégique de 2010. 

 

Suite au retour dans les structures intégrées de l’Alliance, le nombre de militaires français dans l’OTAN 
est passé au total de 242 à une « cible » de 925, chiffre toutefois inférieur aux 1250 initialement prévus, 
grâce au processus de réforme et de la rationalisation mené à l’OTAN. 

 

b) Influence sur la réforme de l’OTAN 

 

La France a joué un rôle moteur depuis 2009 pour hiérarchiser les priorités, refondre les procédures, 
ramener le nombre des agences de 14 à 3 (en en espérant une économie de 20%), réduire la structure 
de commandement (réduction des personnels de -35% en 2013) diminuer de 11 à 7 les états-majors et 
donc faire faire des économies, et préparer un déménagement vers le nouveau siège en 2016. 

 

c) Influence sur la stratégie 

 

 Au Sommet de Lisbonne, en novembre 2010, la France a obtenu (malgré les demandes de l’Allemagne 
et grâce à un arbitrage américain) qu’il soit réaffirmé que la stratégie de l’Alliance reste fondée sur la 
dissuasion nucléaire, comme le souligne le Concept stratégique adopté à cette occasion : « tant qu’il y 


aura des armes nucléaires dans le monde, l’OTAN restera une alliance nucléaire ». Lors de ce Sommet 
de Lisbonne la France a aussi accepté que l’OTAN décide de se doter d’une capacité de défense des 
territoires et des populations contre les missiles balistiques, sur la base d’une extension du programme 
de défense de théâtre (ALTBMD : Active Layered Theatre Ballistic Missile Defence). 

 

Lors du Sommet de Chicago d’avril 2012, la mise en place d’une capacité de défense antimissile 
balistique (dite « intérimaire », parce qu’elle s’appuie sur des moyens essentiellement américains, 
frégates AEGIS dans le cadre de la phase 1 de l’EPAA : European Phased Adaptative Approach, qui 
est la contribution américaine au système de l’Alliance), a été décidée par les Chefs d’État et de 
gouvernement. Les Alliés, dont la France, ont ainsi agréé les principes politiques et opérationnels de 
mise en oeuvre de cette capacité, dont seul le système de commandement et de contrôle (C2), en cours 
de développement par l’OTAN, sera financé en commun. 

 

La France prévoit de se doter d'une capacité de détection et d'alerte avancée interopérable avec les 
moyens de ses Alliés. Ce système national d’alerte avancée (radar et satellite) vise à surveiller les 
missiles balistiques, à déterminer l’origine des tirs et à favoriser l’alerte aux populations. 

 

Le Président Hollande a rappelé au Sommet de l’OTAN à Chicago les principes auxquels la France 
reste attachée en matière de défense antimissile balistique: le caractère complémentaire, et non 
substituable, de la défense antimissile à la dissuasion nucléaire ; l’adaptation du système à la menace ; 
le contrôle politique par les Alliés ; la maîtrise des coûts ; la nécessité de préserver la BITDE (base 
industrielle et technologique de défense européenne) ; et enfin la coopération avec la Russie. 

 

Et de fait, lors du Sommet de Chicago d’avril 2012, il a été validé par l’ensemble des Alliés que la 
défense antimissile était complémentaire de la dissuasion et non alternative. La déclaration du Sommet 
(paragraphe 59) précise en effet que « la défense antimissile peut venir compléter le rôle des armes 
nucléaires dans la dissuasion mais elle ne peut pas s’y substituer. Cette capacité est purement 
défensive ». 

 

Les questions suivantes demeurent néanmoins : 

 

- Jusqu’à quel stade de développement la défense antimissile restera-t-elle complémentaire de 
la dissuasion ; à partir de quand sape-t-elle sa crédibilité ? 

 

- Face aux investissements gigantesques de l’industrie américaine (près de 10 milliards de 
dollars par an ces dix dernières années), quelle sera la part réservée à l’industrie européenne 
dans la fabrication des éléments de ce début de système défensif ? 

 

- Une position européenne homogène est-elle possible sur la stratégie et sur leurs intérêts 
industriels ? 

 

- Présenté maintenant comme destiné à contrer une menace balistique iranienne, quelle sera la 
justification de ce système si ce risque était maîtrisé ? 

 

- La déclaration de Chicago (paragraphe 62) : « la défense antimissile de l’OTAN n’est pas 
dirigée contre la Russie et elle ne portera pas atteinte aux capacités de dissuasion stratégique 
russes » est-elle crédible ? Elle n’est pas convaincante, en tout cas aux yeux des Russes, qui 
considèrent sincèrement ou pas, ou pour prendre un gage, que l’aboutissement de ce 
programme (les phases 3 et 4 de l’EPAA) correspondrait à une rupture des équilibres 
stratégiques. Qu’on l’approuve ou non, cette politique obère la politique russe de l’Alliance, 
comme de chacun des Alliés. La politique française (et d’autres pays) envers la Russie ne 
devrait pas découler d‘une sorte d’engrenage contraint, mais être définie en tant que telle. 


 

 

Même revenue dans l’OTAN, la France n’a donc guère pu que préserver jusqu’ici, dans les textes, la 
dissuasion nucléaire sans influencer, ralentir ou modifier un projet majeur du complexe militaire 
industriel américain depuis les années Reagan (et déjà en partie installé au Japon, en Israël et dans le 
Golfe), et qui comporte un potentiel de bouleversement stratégique. 

 

d) Influence sur les opérations 

 

En Afghanistan, la France n’a pas influencé la stratégie de l’OTAN (en fait, des États-Unis). Mais elle a 
pu fixer son propre calendrier de retrait de son contingent (d’abord Nicolas Sarkozy, puis François 
Hollande). Le cas de la Libye, sera évoqué plus loin. 

 

 

B. LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES ET BUDGETAIRES 

 

Saisie par la Commission des Finances (a. 58-2), la Cour des Comptes arrive à la conclusion que : la 
participation française à l’OTAN s’est établie en 2011 à un coût complet de 325,86 M d’euros alors 
qu’elle n’aurait été que de 264,86 M d’euros sans la décision de réintégration en 2009. Le coût total 
pour la France de sa participation à l’OTAN a beaucoup augmenté depuis 2007, surtout du fait de 
l’Afghanistan. Le strict surcoût lié à la réintégration est de 61 M d’euros en 2011, au lieu des 79 M 
d’euros envisagés, en raison des économies générées par la réforme de l’OTAN. Néanmoins 
l’évaluation ne part que de 2009, et des effets ont pu être ressentis à partir de 2006 (dépenses 
supplémentaires liées à l’opération en Afghanistan). 

La Cour des Comptes avertit cependant que le surcoût final de la pleine participation au budget des 
investissements (le NATO Security and Investment Program, NSIP) qui monte progressivement, estimé 
pour le moment à 75 M d’euros par an, ne pourra pas être pleinement mesuré avant 2020. 

Sauf nouvelle et importante intervention extérieure, l’évolution naturelle de l’OTAN devrait conduire à 
quelques économies, modestes, de fonctionnement. 

En ce qui concerne les retombées industrielles, la France est bien placée, mais ce n’est pas 
directement lié à la réintégration. 

 

Dans le cadre des projets d’investissement financés en commun par le biais du programme OTAN 
d’investissement au service de la sécurité, l’industrie a potentiellement accès à un marché non 
négligeable, avec un montant de dépenses annuelles de l’ordre de 700 M d’euros. Notre « droit 
d’inventaire » antérieur retirait la possibilité aux sociétés française de participer à certains projets. 
L’analyse sur la période 2000 - 2009 montre que la France a participé, sur la base de sa quote-part 
autour de 11%, à environ 60% des projets, pour un montant financier de 4,2 M d’euros. 

 

Les programmes les plus importants pour l’industrie française sont le système de commandement et de 
contrôle aérien (ACCS – Air Command and Control System) et la défense antimissile de théâtre 
(couche basse) pour un montant global de 1,6 Md€. Cette capacité est développée par la société TRS 
(THALES Raytheon System – joint-venture détenue à hauteur de 50% par chacune des deux sociétés 
française et américaine). Depuis notre retour dans le commandement intégré (période 2010 – 2012), 14 
« paquets de capacité », ou additifs, ont été approuvés pour un montant global de 0,7 Md€. 

 

En résumé, le retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance en 2009 a élargi 
l’opportunité de marchés pour l’industrie française mais ne s’est pas traduit à ce stade par un 
accroissement marqué des contrats obtenus. 

 


Par ailleurs, et en parallèle des « paquets de capacité », les pays de l’Alliance financent actuellement 
sur le NSIP environ 200 M€ par an pour les besoins urgents des opérations, ce qui représente des 
marchés possibles. Ainsi, même si ceci n’est pas directement lié à la décision de 2009, on peut retenir 
l’obtention d’un contrat initial par THALES en 2006 pour les moyens de communications et d’information 
pour l’ISAF (International Security Assistance Force) en Afghanistan, qui a été renouvelé et amendé 
plusieurs fois depuis. 

 

 

C. EFFETS DIPLOMATIQUES 


 

Pour de nombreux pays dans le monde, à commencer par les BRICS, mais aussi d’autres émergents, 
les arabes, les africains, qui le croyaient ou jugeaient utile de le dire, la non-participation de la France 
au commandement militaire intégré de l’OTAN était devenue le symbole de ce que la France était 
l’alliée des États-Unis, mais pas alignée sur eux selon la formule consacrée, et donc la promesse d’une 
ligne française potentiellement autonome par rapport aux États-Unis en politique étrangère. Alors, 
alignement ou pas ? Aux yeux du monde non occidental, la question reste posée, au-delà des 
premières preuves du maintien d’une capacité de pensée autonome, et l’appréciation est suspendue 
aux faits à venir. 

 

 

D. LES EFFETS SUR L’EUROPE DE LA DEFENSE 


 

Ce retour a-t-il relancé l’Europe de la défense ? 

A part une reconnaissance de principe dans les communiqués des Sommets de l’OTAN, il n’y a pas eu 
d’avancée ni préalable, ni parallèle à ce retour. Cette quasi-stagnation depuis s’explique par plusieurs 
causes. Un faible activisme français depuis 2009, ce qui a permis à la Commission et à la 
technostructure bruxelloise, entre autres, de prétendre qu’une fois rentrée dans l’OTAN, la France ne 
s’intéresserait plus à la défense européenne, alors qu’elle en était le seul avocat. Mais il y a d’autres 
causes. Une absence évidente de toute volonté des États membres de prendre des responsabilités 
nouvelles – c'est-à-dire des risques - en matière de défense. Une baisse des budgets, précipitée par la 
« crise » : en 2012 seuls trois pays européens ont un budget de défense qui dépasse 2% du PIB, quatre 
sont entre 1,8% et 2%, treize autres entre 1 et 1,5%, et cinq à moins de 1% et la tendance générale 
reste à la baisse. 

 

En sens inverse on peut soutenir que ce retour a créé un climat plus favorable à des coopérations 
bilatérales ou multilatérales avec d’autres Européens : le traité franco-britannique de Lancaster House, 
signé le 2 novembre 2010, aurait été selon les Britanniques, difficilement concevable sans ce retour. 
Mais c’est un traité bilatéral et, pour le moment, unique en son genre. 

 

 

 

3. CONCLUSION DE LA PARTIE I, (ÉVALUATION) 


 

Les conséquences du retour sont donc mitigées, et difficiles à évaluer avec aussi peu de recul. Il est 
vrai qu’un processus de rapprochement pragmatique avait en effet été entamé depuis longtemps, mais 
sans remettre en cause ce qui était devenu un symbole politique. Le président Sarkozy semble avoir 
pris sa décision pour des raisons empiriques, continûment mises en avant par l’institution militaire, mais 
aussi idéologiques, découlant de sa conception de la « famille occidentale ». Au bout de trois ans, les 
effets sont incertains : une présence accrue ; une influence réelle ou faible, variable selon les sujets ; un 
surcoût, plus faible que prévu ; des opportunités économiques ou industrielles, liées ou non à ce retour, 


mais aussi beaucoup de risques potentiels ; des interrogations problématiques et récurrentes sur la 
stratégie de l’alliance, son rôle, ses modes d’intervention. 

 

Quoiqu’il en soit, une situation nouvelle a été créée. Les conditions et le contexte stratégiques, 
mondiaux, américains et européens, n’ont rien à voir avec ceux de 1958/1966. Le monde n’est plus 
confronté à la menace soviétique, mais à des menaces diffuses, le plus souvent non militaires, et qui ne 
concernent pas en propre la zone atlantique. Dans la compétition multipolaire, les États-Unis restent le 
numéro un, mais leur supériorité n’est pas abusive. Le président Obama n’est pas le président Johnson. 
Avec ses 28 membres et ses quarante partenaires extérieurs, l’Alliance n’a plus rien à voir avec ce 
qu’elle était dans les années cinquante. 

 

Une (re)sortie française du commandement intégré n’est pas une option. Elle ne serait comprise par 
personne ni aux États-Unis ni en Europe, et ne donnerait à la France aucun nouveau levier d’influence, 
au contraire. Au contraire cela ruinerait toute possibilité d’action ou d’influence pour elle, avec tout autre 
partenaire européen, dans quelque domaine que ce soit. D’ailleurs de 1966 à 2008, soit en plus de 
quarante ans, aucun pays européen n’a rejoint la ligne d’autonomie française. 

 

 

Il est donc vain de se demander en 2012, de façon schématique et binaire, s’il faut être pour ou contre 
l’OTAN, pour ou contre la défense européenne, et d’opposer les diverses enceintes. La question 
est plutôt de déterminer comment la France défendra au mieux, aujourd’hui et demain, ses intérêts 
fondamentaux de sécurité et de défense, son indépendance, son autonomie de décision, et donc, en 
grande partie, outre la réduction de son endettement et sa compétitivité économique, la maîtrise de son 
destin, à la fois au sein de l’Alliance, dans l’Union européenne, avec des partenaires européens au cas 
par cas, et enfin au niveau national, ces actions ne formant que les différentes facettes d’une seule et 
même politique déployée dans des enceintes diverses. 

Cette ambition reformulée doit s’appuyer sur un état des lieux réaliste. 

 

 

 

 

II. ALLIANCE, OTAN ET EUROPE DE LA DEFENSE : L’ETAT DES LIEUX EN 
2012 


 

 

1. UNE ALLIANCE DYNAMIQUE ET ACTIVE 


 

 

A. ÉTAT DE L’ALLIANCE 


 

Vingt ans après la disparition de l’URSS, l’Alliance et l’OTAN n’ont pas disparu, au contraire. 

 

En 2012, 63 ans après sa création, l’Alliance rassemble 28 pays, représentant 910 millions d’habitants. 
Après les douze membres fondateurs1 de 1949, la Grèce et la Turquie en 1952, la République Fédérale 
d’Allemagne en 1955, l’Espagne en 1982, a eu lieu un vaste élargissement de l’OTAN et sont venus 
s’adjoindre, après la disparition de l’URSS en 1999, la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, 
en 2004 la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, et en 

1 Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Italie, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-
Uni 


2009 l’Albanie et la Croatie. En revanche l’administration de Georges W. Bush a dû renoncer à son 
projet d’élargissement à l’Ukraine. A noter que l’Autriche, Chypre, la Finlande, l’Irlande, Malte et la 
Suède, membres de l’Union européenne, ne le sont pas de l’OTAN. A part Chypre, ces pays sont 
toutefois partenaires de l’OTAN (dans le cadre du « Partenariat Pour la Paix » que l’OTAN développe) 
de manière active pour certains, ainsi la Suède et la Finlande participent à l’ISAF en Afghanistan et 
l’Autriche à la KFOR (Kosovo Force) au Kosovo. En outre, depuis 1992, l’OTAN a conclu près de 40 
partenariats extérieurs (ex URSS, Golfe, Méditerranée). 

En 2011, son budget global normal hors opérations est de 2419 M d’euros (1334 pour le budget 
militaire, 875 pour les investissements et 209 pour le budget civil). Les cinq premiers contributeurs sont 
les États-Unis (quote part à 22,2 %, 582 M d’euros), l’Allemagne (autour de 14,9 %, 416 M d’euros), le 
Royaume-Uni (en baisse, autour de 11,2 %, 249,1 M d’euros), la France (en baisse, autour de 11,2 %, 
247,3 M d’euros), et l’Italie (autour de 8%, 208,1 M d’euros). 

 

A l’exception de deux groupes navals (Standing NATO Maritime Group et Standing NATO Mine 
Countermeasures Group) dont les navires sont fournis par les nations, 17 avions de sa force AWACS 
(« NATO Airborne Early Warning and Control Force »), et à terme de l’AGS (Allied Ground 
Surveillance : (5 drones Global Hawks)), l’OTAN ne dispose pas en propre de forces qui lui sont 
subordonnées en permanence. Les unités participant aux missions de l’OTAN sont fournies par les 
nations sur une base volontaire, pour une durée limitée et une mission précise. Les pays contributeurs 
aux opérations de l’Alliance conservent un droit de regard sur l’emploi de leurs forces placées sous les 
ordres du SACEUR. 

 

En ce qui concerne les interventions, depuis vingt ans, il n’a été fait appel à l’OTAN ni en 1991, au 
Koweït, ni en Irak en 2003 (coalition ad hoc). En revanche, l’OTAN a été utilisée, au Kosovo en 1999 
par les pays occidentaux du groupe de contact (avec l’accord des autres Alliés, et des autres 
Européens), en dépit d’une base juridique partielle, et en Bosnie. Après les attentats du 11 septembre 
2001, une opération au titre de l’article 5 (la première dans l’histoire de l’OTAN) « Active Endeavour » a 
été lancée pour protéger le trafic civil en Méditerranée contre une menace terroriste. L’OTAN a été mise 
à contribution en Afghanistan, via l’ISAF mandatée par le Conseil de Sécurité en décembre 2001, et de 
même en Libye en 2011. A quoi il faut ajouter une opération de formation des forces de sécurité en Irak 
(« NATO Training Mission Irak » de 2004 à 2011), et une opération de lutte contre la piraterie dans 
l’Océan Indien « Ocean Shield » lancée en 2009. 

 

 

La stratégie de l’OTAN 

 

 

A son 22e Sommet à Lisbonne, en novembre 2010, l’OTAN a adopté un « Concept stratégique » issu 
d’un groupe de travail présidé par Madeleine Albright, présenté comme « le plus important depuis 
1949 », et organisé autour de « trois tâches fondamentales » : la défense collective des États membres, 
au titre de l’Article 5 ; la gestion de crise, pour agir sur « la gamme complète des crises » ; et la sécurité 
coopérative (partenariats, maîtrise des armements, désarmement et non-prolifération) en développant 
les partenariats extérieurs. 

 

A la demande pressante des États-Unis, elle a adopté un programme de défense antimissile balistique 
des territoires et des populations, complémentaire de la dissuasion nucléaire, grand sujet et controverse 
possible d’avenir ; affiché de bonnes intentions en déclarant que « l’Union européenne est un partenaire 
unique et essentiel pour l’OTAN », en reconnaissant « l’importance d’une défense européenne plus 
forte et plus performante » (reprise de ce qui a été affirmé en 2009) ; décidé de réformer et de rénover 


en profondeur l’organisation ; lancé la préparation de la transition en Afghanistan ; et dit vouloir relancer 
la relation OTAN/ Russie (compromise cependant par le projet de défense antimissile). 

 

Les réflexions actuelles sur une Alliance qui serait « globale », c'est-à-dire autant politique, voire civile, 
que militaire, face aux diverses nouvelles menaces, émanent plus du Secrétaire général de l’OTAN, 

Anders Fogh Rasmussen2, et de ses services à Bruxelles, que de Washington, même si les États-Unis 
(et les Britanniques) souhaitent un plus grand usage de l’article 4 : « les parties se consulteront chaque 
fois que de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une 
des parties sera menacée ». 

2 Ces dernières années, les Secrétaires généraux de l’OTAN ont été Espagnol, - Javier Solana de décembre 1995 à octobre 
1999 -, - Britannique - Georges Robertson d’octobre 1999 à décembre 2003, - néerlandais -, - Jaap de Hoop Scheffer de 
janvier 2004 à août 2009 -, et danois, - Anders Fogh Rasmussen, depuis août 2009 -. 

 

 

 

Le contexte de réduction budgétaire et les réticences américaines croissantes à combler les lacunes 
capacitaires européennes au nom du « partage du fardeau » ont été un des arguments invoqués pour 
lancer la Smart Defence (« défense intelligente ») de l’OTAN au Sommet de Chicago en mai 2012. Il 
s’agit de mieux utiliser des ressources limitées en rationalisant leur emploi au travers de coopérations 
capacitaires multinationales à la carte, développées entre Alliés, pour que l’Alliance puisse maintenir 
son niveau d’ambition militaire. Sur environ 150 projets recensés au titre de la Smart Defence, et 
classés en fonction de leur degré de maturité, 24 ont été lancés depuis Chicago. La France participe à 
14 d’entre eux. L’industrie française a identifié des projets de Smart Defence dans lesquels elle 
souhaite une implication plus importante de la France en raison des enjeux économiques : 27 sur les 
150. Certains projets pourraient en effet être producteurs de normes pour le futur, et devenir un vecteur 
de pénétration des équipements américains en Europe. 

 

Si les approches multinationales capacitaires peuvent permettre de générer des économies, d‘améliorer 
l’efficacité opérationnelle et de renforcer l’interopérabilité, cette démarche peut aussi renforcer le 
pouvoir centralisateur de l’OTAN et conduire à imposer de mécanismes intégrateurs comme par 
exemple le financement en commun et la disponibilité des capacités au profit de l’OTAN. 

 

 

Les deux autres dimensions initiales de la Smart Defence, la spécialisation des nations et la 
hiérarchisation des besoins, n’ont pour l’instant pas été concrétisées, justement parce qu’elles 
pouvaient remettre en cause la souveraineté des nations membres. 

 

Certains responsables européens et français soulignent que la Smart Defence a été créée en réaction à 
l’initiative européenne comparable appelée « Pooling and Sharing », lancée quelques semaines 
auparavant par l’Union européenne et mise en oeuvre par l’Agence Européenne de Défense. 

 

La question de la répartition des projets entre l’Union européenne et l’OTAN dans des domaines 
stratégiques se pose donc clairement. 

Des réflexions sont également en cours au sein de l’OTAN sur un recours accru au «financement 
commun des programmes capacitaires ». 

 

 


 

B. VISIONS EUROPEENNES DE L’ALLIANCE 


 

La conception officielle de l’Union européenne en tant que telle, en matière de sécurité, est celle de la 
complémentarité avec l’Alliance. En fait, les Européens restent profondément attachés à l’Alliance, à 
commencer par ceux auxquels la France pense en premier à chaque fois qu’elle essaie de « relancer 
l’Europe de la défense » : la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Pour les Polonais et les Baltes, les États-
Unis, obligés par l’article 5, restent la seule garantie sérieuse en cas de résurgence d’une menace 
russe. Les Alliés ont tous approuvé, ou souhaité, l’élargissement de l’Alliance et accepté, ou demandé, 
le développement d’une défense antimissile balistique. Ils ont accepté les interventions extérieures 
(sauf l’Allemagne en Libye). Cela n’a pas été jusqu’à ce qu’ils répondent favorablement aux appels 
américains à un meilleur partage du fardeau, et à un accroissement des capacités, puisqu’au contraire 
ils réduisent leurs budgets de défense. Ce n’est pas parce qu’ils réclameraient en même temps « à la 
française », un meilleur partage des responsabilités, qu’en réalité ils ne le recherchent pas, mais parce 
que les priorités « internes » politiques, économiques et sociales, sont beaucoup plus fortes et parce 
qu’ils espèrent que les États-Unis resteront dans l’obligation de garantir la sécurité du continent 
européen. Ils ne voient pas de contradiction entre leurs positions suivistes ou passives à l’OTAN, et le 
soutien verbal au développement de l’Europe de la défense, objectif abstrait auquel ils souscrivent s’il 
ne comporte pas le risque de double emploi avec ce que fait l’OTAN. Cette attitude est cohérente avec 
la vision selon laquelle l’Union européenne, qui n’est pas obligée de s’ériger en puissance, réussira à 
rayonner, ou à défendre ses intérêts grâce à son soft power et son pouvoir normatif. 

 

 

C. LA VISION AMERICAINE DE L’AVENIR DE L’ALLIANCE 


 

En premier lieu, les Américains voient à nouveau le monde en termes stratégiques, beaucoup plus que 
pendant la décennie triomphaliste de l’hyperpuissance, pendant les années 90. 

 

Aucun responsable ou expert américain n’a jamais remis en cause, jusqu’ici, le traité de Washington lui-
même. L’engagement des Alliés, et d’abord des États-Unis dans le Traité de l’Alliance Atlantique de 
1949, est rappelé à chaque Sommet. Avant Chicago, le Président Obama a ainsi déclaré : « il n’existe 
aucun autre groupe de pays dont nous soyons aussi proches sur le plan des valeurs, des capacités et 
des objectifs. L’OTAN ne constitue pas seulement la base de nos relations transatlantiques, c’est la 
pierre angulaire de l’engagement des États-Unis dans le monde ». 

 

Washington conteste en outre que le repositionnement des forces américaines vers l’Asie - le « pivot to 
Asia », où seront concentrés un tiers des bâtiments de l’US Navy à partir de 2020 (ce que Hillary 
Clinton a expliqué dans son article : « America’s Pacific Century »), et le fait de retirer deux brigades de 
combat sur les quatre stationnées en Europe (7000 hommes sur 81 000) annonce un abandon de 
l’Europe, impensable de toute façon pour la première puissance mondiale si elle veut rester globale. Il 
est incontestable que le théâtre européen n’est pas prioritaire pour les États-Unis, qu’il n’y a pas de 
menace militaire directe contre l’Europe, ni d’enjeu particulier en ce moment, crise économique mise à 
part, qu’il y a en Europe toujours moins de capacités, très peu de désir de prendre des risques 
militaires, et que le partenaire européen ne s’est pas rendu globalement indispensable aux yeux des 
américains, même s’il peut être précieux sur certains théâtres. L’OTAN, comme relais d’influence, reste 
cependant jugé utile, étant la seule enceinte européenne dont les États-Unis sont membres. 

 

Mais c’est sans doute Robert Gates, le Secrétaire à la défense de Georges W. Bush qui avait accepté 
de le rester, avec le président Obama, jusqu’en 2011, qui a exprimé le mieux le 10 juin 2011 ce que 
pensent vraiment les Américains : constatant que les dépenses de défense des Européens ont baissé 


de 15% depuis le 11 septembre 2001 ; que seuls les budgets de la défense de trois pays (États-Unis, 
France et Grande-Bretagne, la Grèce n’étant pas significative) dépassaient en 2011 les 2% auxquels 
les Alliés s’étaient engagés en 2006 (à la demande des États-Unis) ; que les trois cent milliards de 
dollars dépensés annuellement par les Européens ne leur donnent pas une capacité militaire collective 
sérieuse ; que, en 2011, les États-Unis fournissent 75% des dépenses de l’OTAN (en tenant compte 
des opérations) contre 50% pendant la guerre froide, il prévoyait « une génération de dirigeants 
américains pour lesquels l’investissement dans l’OTAN ne « vaudra plus le coût ». Les Américains 
craignent que, d’ici 5 à 10 ans, des opérations conjointes s’avèrent impossibles. 

 

Tout cela concourt à ce qu’il y ait, conjoncturellement, une certaine disponibilité américaine voire une 
demande pour un rôle accru des Européens dans l’Alliance. La façon dont a été déclenchée et menée 
l’opération en Libye est ainsi acceptée à Washington, autour du Président Obama, comme un 
précédent possible pour l’avenir, au cas par cas, si le Président américain en décide ainsi. Les 
Américains voient donc en 2012 la France, comme un partenaire européen sûr du fait de la réduction 
visible des capacités militaires du Royaume-Uni, des inhibitions politiques de l’Allemagne, et du 
décrochage de capacités chez les autres Alliés. Ils espèrent donc vivement que la France ne va pas 
réduire davantage ses capacités. Cette « disponibilité » américaine, réelle à la Maison Blanche, d’autant 
qu’il y a une « fatigue expéditionnaire » américaine, sera quand même fonction des capacités militaires 
des Européens, et de leur volonté politique. 

 

Par ailleurs, il est à noter que les Américains ne sont pas systématiquement demandeurs d’une 
utilisation de l’OTAN très loin de la zone transatlantique. De leur point de vue, l’utilisation de l’OTAN en 
Afghanistan n’a pas été militairement très convaincante. D’ailleurs dans la controverse sur le « hors 
zone » atlantique, leur position, comme la nôtre, a varié plusieurs fois au fil du temps. La question de 
l’Arctique3, et de l’Afrique, se poseront peut être un jour. Cela dit, leurs priorités prévisibles restent la 
Chine, et plus largement l’Asie Pacifique, le Moyen-Orient, et l’arc de crise. 

3 Le Traité de l’Atlantique Nord limite la zone transatlantique au Sud, au Tropique du Cancer, et non au Nord. 

 

 

 

2- L’EUROPE DE LA DEFENSE 

 

 

A. DES AVANCEES LIMITEES ET FRAGILES, ET DES ESPERANCES DEÇUES, MALGRE VINGT-CINQ ANS 
D’EFFORT 


 

Les mots doivent être employés à bon escient. « Europe de la défense » et encore moins « défense 
européenne » ne signifient, même pour leurs promoteurs les plus ardents, la défense militaire de 
l’Europe contre des menaces militaires, ce dont seule l’Alliance, avec les moyens américains, serait 
capable, si par malheur, l’Europe était attaquée. La combinaison des défenses nationales actuelles, et 
de « L’Europe de la défense », reste, à terme prévisible, incapable de défendre seule le territoire 
européen, sauf bien sûr, si les dissuasions françaises et britanniques jouaient en amont. L’Europe de la 
défense n’a pas cette ambition et n’est pas conçue pour cela. Pour ne pas alimenter des espérances 
chimériques et donc des déceptions, ou des craintes hors de propos chez nos Alliés, il faut réserver ce 
terme à des initiatives ou à des actions extérieures de l’Union en matière militaire ou civilo-militaire, ou à 
des coopérations en matière d’industrie de défense. 

 

Ensuite le bilan des efforts déployés depuis vingt-cinq ans notamment par la France est finalement très 
décevant. Les initiatives franco-allemandes de l’époque Mitterrand – Kohl (brigade franco-allemande, 
puis corps européen) sont demeurées symboliques. Il a certes été inscrit dans le titre V du traité de 


Maastricht du 7 février 1992, pour la première fois dans un Traité de l’Union, la notion de « Politique 
Extérieure et de SECURITE Commune », la PESC, dont les objectifs sont définis à l’article 24. Plus 
tard, le Conseil européen de Cologne, en juin 1992, y a ajouté la notion de « Politique extérieure, de 
sécurité et de DEFENSE ». A Saint Malo, le 4 décembre 1998, la France et la Grande-Bretagne ont 
conclu un compromis important pour l’Union européenne. La France, en acceptant que la défense 
européenne se développe « dans le cadre de » l’Alliance, et la Grande-Bretagne, en acceptant que 
l’Union européenne ait des compétences propres en matière de sécurité et de défense, levaient les 
obstacles de principe à des avancées ultérieures de l’ensemble de l’Union. 

Un poste de « Haut représentant pour la PESC » a été institué en 1997. Javier Solana en a été, de 
1999 à 2009, le premier titulaire. La décision de créer un Comité Politique et de Sécurité de l’Union – le 
COPS – a été prise au Conseil européen d’Helsinki, en 1999, et inscrite dans le Traité de Nice du 26 
février 2001. Lady Ashton a été nommée Haute Représentante, le 19 novembre 2009. 

 

Les États membres de l’Union ont voulu aller plus loin en créant par le Traité de Lisbonne, (signé le 13 
décembre 2007, et entré en vigueur le 1er décembre 2009) un SEAE (Service Européen d’Action 
Extérieure, « service diplomatique » de l’Union) et en instituant la Politique de Sécurité et de DEFENSE 
COMMUNE, PSDC. Ce traité comprend même un devoir d’aide et d’assistance mutuelle en cas 
d’agression armée4 et une clause d’action solidaire, éventuellement militaire envers un état membre qui 
ferait l’objet d’une attaque terroriste ou serait victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine5. 
Il institue aussi dans les articles 42.6 et 46, la possibilité d’une « coopération structurée permanente » 
en matière de défense décidée à la majorité qualifiée et ouverte aux états-membres qui s’engageront 
sur des critères et des objectifs capacitaires. 

4 Article 42.7 : Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui 
doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. 
Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les 
engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de 
l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense 
collective et l’instance de mise en oeuvre. 

 

5 Article 222 : 1. L’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est 
l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine.. L'Union mobilise tous les 
instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour: a) prévenir la 
menace terroriste sur le territoire des États membres; protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une 
éventuelle attaque terroriste; porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, 
dans le cas d'une attaque terroriste; b) porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités 
politiques, en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine. 2. Si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste ou 
la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, les autres États membres lui portent assistance à la demande de 
ses autorités politiques. À cette fin, les États membres se coordonnent au sein du Conseil. 3. Les modalités de mise en 
oeuvre par l'Union de la présente clause de solidarité sont définies par une décision adoptée par le Conseil, sur proposition 
conjointe de la Commission et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. 
Lorsque cette décision a des implications dans le domaine de la défense, le Conseil statue conformément à l'article 31, 
paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne. Le Parlement européen est informé. Dans le cadre du présent paragraphe, 
et sans préjudice de l'article 240, le Conseil est assisté par le comité politique et de sécurité, avec le soutien des structures 
développées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, et par le comité visé à l'article 71, qui lui 
présentent, le cas échéant, des avis conjoints. 4. Afin de permettre à l'Union et à ses États membres d'agir d'une manière 
efficace, le Conseil européen procède à une évaluation régulière des menaces auxquelles l'Union est confrontée. 

 

 

 

L’Agence Européenne de Défense, AED, créée le 12 juillet 2004, est devenue une agence officielle de 
l’Union européenne en juillet 2011. Sa mission est d’offrir une plateforme de coopération aux États 
européens pour coordonner leurs politiques, et leur apporter une assistance, tout en renforçant 
l’autonomie de l’Union dans le domaine capacitaire, et tout cela en dialoguant avec la Commission 


européenne. Son rôle est de coordonner, le plus possible en amont, les projets capacitaires et 
industriels des différents États membres. L’AED joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre du 
Pooling and Sharing (P&S), créé sur la base de l’initiative germano-suédoise présentée à la réunion des 
ministres de la défense de l’Union européenne à Gand en septembre 2010. Cette démarche de 
« mutualisation et de partage » des capacités militaires vise à préserver des capacités militaires 
européennes dans un contexte de fortes contraintes budgétaires des États membres. Le directeur 
exécutif de l’AED est depuis janvier 2011 une diplomate française, Mme Claude France Arnoud. 

 

Parmi les onze chantiers6 prioritaires identifiés en novembre 2011 par les ministres de la défense de 
l’Union européenne, les plus importants sont : 

6 La formation des pilotes d’hélicoptères, le réseau de surveillance maritime, la formation et la logistique navale, l’hôpital de 
campagne déployable (Medical Field Hospital), le ravitaillement en vol (Air to Air Refueling), la centrale d’achat pour les 
communications satellitaires (European Satellite Communication Procurement Cell), le futur système de communications 
satellitaires militaires, l’ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance), la formation des pilotes, le Hub de transport 
européen et les munitions intelligentes. 

 

- le projet européen de ravitailleurs en vol, d’initiative française, sans lequel les Européens n’auront pas 
d’autonomie stratégique pour la conduite des opérations ; 

 

- le projet de formation des pilotes, dont la proposition française dans le domaine des pilotes de 
transport aérien ; 

 

- le démonstrateur de surveillance maritime MARSUR, développé par l’AED depuis juin 2011. Il permet 
déjà de connecter les réseaux de surveillance des espaces maritimes de certains pays (Espagne, 
France, Finlande, Italie, Royaume-Uni et Suède avant extension à au moins 12 autres pays de l’UE) et 
permettra à terme une meilleure prise de décision opérationnelle en temps réel en bénéficiant de 
protocoles d'échange d'informations avec les autorités civiles ; 

 

- le projet médical d’hôpital de campagne (utilisables pour des opérations militaires mais aussi des 
catastrophes humanitaires). Il constitue un exemple de complémentarité avec la Smart Defence qui 
présente un projet sur le même thème. 

Le centre de commandement européen de transport aérien (EATC : European Air Transport 
Command), qui permet depuis 2010 aux armées participantes (allemande, belge, française et 
hollandaise) de partager leurs moyens de transport aériens est un exemple particulièrement réussi de 
Pooling and Sharing, qui a fait ses preuves en opérations (Côte d’Ivoire et Libye notamment). Il 
constitue une référence utile pour le développement des projets en cours. 

 

Tout cela n’est pas négligeable mais il faut bien reconnaître que rien de tout cela n’a pu déclencher 
jusqu’ici de vraie dynamique. Il y a certes des traités, des textes, des institutions, des procédures, des 
réunions, des documents, des initiatives, des discours, des relances, des responsables (quelques 
centaines de fonctionnaires civils et militaires qui s’acquittent de leurs tâches avec conviction et 
dévouement). Il y a eu quelques coopérations industrielles réussies, à titre d’exemple l’A400M, les 
frégates FREMM (France et Italie), le PAAMS (système de défense d’un groupe aéronaval contre les 
aéronefs et les missiles regroupant la France, le Royaume-Uni et l’Italie), l’observation spatiale (accords 
de Turin avec l’Italie et de Schwerin avec l’Allemagne), l’hélicoptère franco-allemand Tigre. Mais en fait, 
aucune grande opération n’a eu lieu depuis la création d’EADS en 1999. Et les échecs ont été 
nombreux, par exemple l’EADS naval, sans parler du projet avorté d’EADS/BAE. 

 


Par ailleurs, depuis la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne et l’activation du Service Européen d’Action 
Extérieure, aucune opération militaire nouvelle n’a été lancée. Même s’il n’est pas question de mener à 
tout prix des opérations pour le plaisir d’exister, c’est significatif. Seules trois opérations militaires sont 
en cours, dont une seule est véritablement importante7 : l’opération Atalante de lutte contre la piraterie 
maritime au large de la Somalie. Elle a été lancée en 2008, pendant la présidence française de l’Union 
européenne avec le soutien de l’Espagne. Elle est dirigée depuis le centre de commandement de 
Northwood au Royaume-Uni. Atalante sécurise une des artères économiques les plus vitales au monde 
(30 % des approvisionnements en pétrole de l’Union européenne et 70 % de son flux de conteneurs y 
passent). Elle contribue aussi à la protection des navires du Programme Alimentaire Mondial (PAM), 
protège les navires vulnérables naviguant dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes, ainsi 
qu’à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie au large des côtes. La 
France en est le premier contributeur. Par contre le travail à terre pour éliminer durablement la piraterie 
(la fameuse approche «globale») a tardé à se mettre en place. C’est l’objectif de la récente « mission de 
reconstruction des capacités maritimes régionales » de l’Union européenne, intitulée EUCAP Nestor. 

7 Les deux autres opérations sont EUFOR ALTHEA en Bosnie Herzégovine, lancée en décembre 2004, et EUTM SOMALIA 
(formation de 3000 militaires somaliens en Ouganda depuis 2010). 

Les groupements tactiques (GTUE), créés sur le papier en 2007, n’ont jamais été utilisés. Les États 
membres, contraints à des restrictions budgétaires et manquant de volonté politique, ne répondent 
même pas à leur « tour d’alerte ». 

 

L’Union européenne a même réduit l’ambition de son centre d’opérations (EU Operation Centre : 
OPSCEN) activé en mars 2012, qui ne comprend que 17 personnes ne travaillant que sur la Corne de 
l’Afrique, alors que l’OTAN se cherche déjà de nouvelles missions structurantes pour l’après 
Afghanistan et a mis en fonction en mai 2012 son « centre » de gestion globale des crises et des 
opérations (CCOMC) « pour agréger les expertises nécessaires à une approche globale (aspects civilo-
militaires, cyberdéfense, etc.) ». Cette planification civilo-militaire, intégrée à SHAPE, pourrait étendre le 
mandat de SACEUR à l'ensemble du volet sécuritaire de la gestion des crises au moment même où 
l’Union européenne piétine et s’autolimite, alors qu’elle a potentiellement une vraie capacité globale de 
traitement des crises : économique, civile et militaire. 

 

 

BILAN DE L’EUROPE DE LA DEFENSE 

 

Au total, mises à part quelques actions ou coopérations, le bilan est maigre. Aucun pays d’Europe n’a 
rejoint l’ambition et la conception françaises d’une Europe de la défense, même redéfinies avec de plus 
en plus de réalisme et de pragmatisme. Les menaces que ressentent les opinions européennes 
(mondialisation débridée, hypertrophie de la sphère financière spéculative, concurrence économique 
inéquitable remettant en cause la compétitivité économique et le système social des Européens, 
terrorismes, bouleversements identitaires ou culturels, compte à rebours écologique, auto-
affaiblissement des pouvoirs publics) ne relèvent pas visiblement de réponses militaires. Depuis la fin 
de l’URSS, fin 1991, donc depuis vingt ans, ce sont les « dividendes de la paix », « du social » et de 
l’augmentation de pouvoir d’achat ou de l’affirmation de droits individuels qu’attendent les Européens. 
On est très loin de la dialectique menaces sécuritaires / réponses militaires, même dans le domaine du 
terrorisme, ou de la vision américaine des risques et des menaces stratégiques. Le choc énorme de la 
crise de l’économie casino américano-globale depuis 2008, puis de la défiance envers la dette 
souveraine de la zone euro, et la nécessité impérieuse d’assainir les finances publiques d’un ensemble 
qui doit emprunter 8 à 900 milliards d’euros par an pour maintenir son niveau de vie, ne fait 
qu’accentuer cette tendance qui se traduit depuis des années par une baisse régulière des budgets de 
la défense des pays européens, même des plus grands. Ce qui est ambivalent : moins de moyens et de 
capacités, mais en principe aussi, plus d’obligation d’agir en commun. 


 

 

B. LE PARTENARIAT AVEC LE ROYAUME-UNI 


 

Même avec un budget décroissant (- 7,7% programmés entre 2011 et 2015) et des limites 
opérationnelles qui sont apparues en Libye (retrait des avions de patrouille maritime et des Harrier, 
réductions d’effectifs), celui du Royaume-Uni est encore le premier en Europe. Le président de la 
République a indiqué qu’il entendait « poursuivre les efforts d’approfondissement qui avaient été 
engagés à Saint Malo en 1998 et se sont poursuivis ces derniers mois ». Il s’agit du traité de Lancaster 
House, entre la France et le Royaume-Uni dont la négociation avait été engagée sous Gordon Brown, 
et qui a été signé le 2 novembre 2010. Il a donné un cadre et un potentiel nouveau à la coopération de 
défense entre les deux pays, du nucléaire militaire, aux programmes d’armement (drones). La Force 
expéditionnaire interarmées franco-britannique (Combined Joint Expiditonary Force) a été testée avec 
succès en octobre 2012, en vue d’être opérationnelle en 2016, et les deux ministres de la défense des 
deux pays « ont constaté le niveau d’interopérabilité croissant de nos forces armées » et affirmé à cette 
occasion que « notre capacité à oeuvrer ensemble est la pierre angulaire du Traité de Lancaster 
House ». Mais le renoncement des Britanniques en mai 2012 à un porte-avions à catapultes, pour des 
raisons de coût, au profit d’un porte-avions à tremplin (mettant en oeuvre des aéronefs à décollage court 
et appontage vertical) fait que les avions français ne pourront pas y apponter, condamne de facto le 
projet de développement en commun de porte-avions et l’objectif d’interopérablilité dans ce domaine. 

 

Pour les Britanniques, ce traité doit rester bilatéral, ou, en tous cas, ne pas être intégré dans les 
mécanismes de la défense européenne à vingt-sept. La Grande-Bretagne a d’ailleurs refusé ces 
dernières années que soit créé un quartier général européen de planification qui ferait double emploi 
selon elle avec ceux qui existent (OTAN, états-majors nationaux). Enfin, la Grande-Bretagne n’est pas 
responsable de l’échec récent du projet EADS/BAE, qui fragilise énormément BAE. Néanmoins l’avenir 
réel du Traité de Lancaster House est à préciser. 

 

 

C. LES AMBIGUÏTES ALLEMANDES 


 

La question allemande est plus délicate. Le souhait de la France de « revivifier » la relation franco-
allemande dans le domaine de la défense, dans le cadre plus général de la commémoration du Traité 
de 1963 et d’une relance de la relation bilatérale risque de se heurter à un contexte peu favorable. Et 
pas uniquement à cause des désaccords sur l’euro, l’énergie, etc. Force est de constater que la 
divergence entre la France et l’Allemagne sur la dissuasion nucléaire – et sur le nucléaire en soi - reste 
très actuelle, que l’Allemagne privilégie le cadre de l’OTAN (l’Allemagne reste un des plus gros 
contributeurs au budget de l’OTAN et ses forces conventionnelles sont très importantes) pour la 
conduite d’éventuelles opérations militaires, et que Berlin a donné, pour diverses raisons, un coup 
d’arrêt brutal au projet EADS/BAE (Nationalisme industriel ? Contexte 2012 -2013 ? Autre ?). 
Cependant, même si les ministres français et allemand de la Défense avaient signé le 4 juin 2012 une 
lettre d’intention pour promouvoir une coopération capacitaire, la question demeure : Y a-t-il à Berlin 
une vraie volonté d’agir, en matière de défense, en européen, et en franco-allemand ? 

 

 

D. LES AUTRES EUROPEENS 


 

En ce qui concerne le triangle de Weimar, en plus de l’Allemagne et de la France, la Pologne a 
sanctuarisé en 2011 son budget de la défense à hauteur de 1,95% du PIB soit 6,7 Mds d’euros en 
2012, mais sa priorité est la mise de son armée aux normes de l’OTAN. En ce qui concerne Weimar +, 


en 2012 : le budget de l’Italie a été réduit de 10% (soit 0,84 % du PIB) et celui de l’Espagne ramené à 
0,65% du PIB, soit 6,3 Mds d’euros. Les autres pays ne comptent guère sur le plan capacitaire. La 
réduction des moyens pousse les pays nordiques et les pays du Benelux à mutualiser de plus en plus 
leurs efforts militaires. 

 

 

 

 

III. RECOMMANDATIONS 

 

 

La politique de défense de la France doit être conçue de façon synthétique au niveau national et menée 
ensuite en fonction des caractéristiques et des potentialités de chaque enceinte : Union européenne, 
OTAN, coopérations ad hoc. 

 

 

 

1. DANS L’ALLIANCE : VIGILANCE, EXIGENCE ET INFLUENCE 


 

A. Les inconvénients du retour de la France dans le commandement intégré l’emporteraient finalement si 
cela devait conduire à une normalisation, voire à une banalisation de la France dans l’OTAN. La France 
doit donc s’affirmer beaucoup plus dans l’Alliance, et y exercer une influence accrue, s’y montrer 
vigilante, et exigeante. L’abandon de la position française antérieure, politiquement confortable, et le 
retour à une pleine participation, ne nous permettent plus de nous tenir en partie à l’écart, sur un mode 
purement défensif, critique et abstentionniste, du débat et des décisions sur l’avenir de l’Alliance. Si 
nous voulons retrouver une influence de premier plan dans l’Alliance, - et nous le devons absolument -, 
d’autant que les circonstances s’y prêtent, nous devons donc clarifier notre conception de l’Alliance à 
long terme, dans la perspective des réunions ministérielles régulières et du prochain Sommet. 


 

 

B. Il faut le dire clairement : l’OTAN restera une Alliance autour de la première puissance militaire du 
monde, les États-Unis, avec laquelle nous partageons des valeurs fondamentales, mais dont les 
orientations et les politiques peuvent varier dans des proportions considérables, tous les deux ou quatre 
ans ce qui peut nous placer en opposition, même si cela n’est heureusement pas le cas du scrutin du 7 
novembre 2012, ce à quoi notre politique étrangère doit être prête à réagir. 


 

 

Vigilance signifie que nous devrons veiller à ce qu’elle reste une Alliance militaire, recentrée sur la 
défense collective, et le moins possible politico-militaire dans son action, même si des consultations et 
des échanges de vues périodiques, dans le cadre de l’article 4, sur toutes les questions de sécurité 
pourraient être acceptables si cela n’empiète pas sur les prérogatives du Conseil de sécurité, (auquel 
l’OTAN ne peut se substituer) et si ne préfigure pas une planification d’opérations. Une revue annuelle 
des menaces diverses pourrait être ainsi envisagée. 

 

 

Vigilance aussi sur le caractère défensif de l’Alliance et sur son fondement : la dissuasion nucléaire. La 
dénucléarisation du monde ne peut pas être récusée en tant qu’espérance à très long terme. 
Néanmoins le monde n’est pas assez sûr, et ne le sera pas assez avant longtemps, pour que l’on 
puisse envisager de se priver de la garantie ultime que représente la dissuasion nucléaire. En même 


temps la France, qui s’en est toujours tenue à la dissuasion au niveau minimum, ne peut qu’encourager 
les États-Unis et la Russie à réduire la quantité de leurs têtes nucléaires, et n’a aucune raison de 
s’opposer à l’élimination des dernières armes nucléaires « tactiques » ou « non stratégiques », de 
l’OTAN, - bombes à gravitation anachroniques lâchées depuis des avions -, ce qui ne porterait pas 
atteinte à la capacité dissuasive de l’Alliance. 

 

Il faudra veiller à ce que l’Alliance reste consacrée aux menaces sur la zone euro-atlantique, (et peut 
être aussi arctique), pour les prévenir ou les contrer. L’OTAN n’a pas à être le gendarme du monde, 
néanmoins, il est évident que des menaces peuvent venir de l’extérieur de cette zone. C’est au cas par 
cas qu’il faudra décider ce qui relève ou non de la défense collective par l’OTAN. 

 

Outre la mise en oeuvre de l’article 5 du Traité, au titre de l’article 51 de la Charte des Nations Unies sur 
la légitime défense, l’OTAN ne devra intervenir que dans des conditions précises : sur une base légale 
incontestable; une demande ou une acceptation par les organisations régionales ; une appréciation, au 
cas par cas, de la faisabilité et de l’opportunité politique, l’Union européenne, dans sa version « Europe 
de la défense » pouvant être dans certains cas, mieux adaptée. 

 

 Il n’est pas exclu que des situations comparables à celle – très particulière - qui a permis l’intervention 
en Libye (appel à l’aide d’insurgés, appel d’une organisation régionale – ici la Ligue Arabe – adoption 
d’une résolution au Conseil de Sécurité au titre du chapitre VII grâce à l’abstention russe et chinoise, 
acceptation par les États-Unis de l’utilisation de l’OTAN par des pays européens leaders, soutien 
militaire essentiel des États-Unis) puissent se présenter à nouveau. Il faut y avoir réfléchi à l’avance, 
entre Européens, et avec les Américains. 

 

 

Notre vigilance doit s’exercer aussi sur le risque de « phagocytage » conceptuel et théorique. Il faudra 
que notre armée préserve sa capacité propre d’analyse des menaces, de réflexion et de prévision sur 
les scénarios et même de planification, ce qui a été le cas jusqu’ici, sans « s’en remettre » aux 
structures de l’OTAN, ou européennes. Il ne faudrait pas que l’affectation aux postes de responsabilité à 
l’OTAN devienne le seul aboutissement possible d’une carrière militaire française réussie. Il faudra que 
des carrières puissent encore être menées au niveau national, ainsi que dans des responsabilités 
européennes. Plus généralement, pour le Ministère de la Défense, pour le ministère des affaires 
étrangères, il s’agit d’influencer utilement la pensée de l’OTAN, mais pas de se fondre dans celle-ci. 
C’est un risque à terme, pas immédiat, mais réel, à prendre en compte. 

 

 

Vigilance encore sur les enjeux industriels et technologiques 

Il subsiste en Europe peu d’industries de défense, dans peu de pays. La lettre d’intention (LOI) du 6 
juillet 1998, qui visait à faciliter la restructuration et le fonctionnement de l’industrie européenne en 
matière d’armement, avait été signée par six pays : l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Grande-
Bretagne, l’Italie et la Suède, auxquels on peut ajouter la Pologne peut être un ou deux autres. Ces 
industries restent de haut niveau, mais sont sur la défensive. Outre-Atlantique, la réduction programmée 
de 487 milliards de dollars en dix ans, décidée en 2011, à laquelle pourrait s’ajouter en janvier 2013 une 
réduction supplémentaire d’environ 500 milliards de dollars imposée par le Congrès, ce qui ferait en tout 
15% de réduction sur dix ans, de l’énorme budget militaire américain (en 2011 : 739 milliards de dollars, 
46% des dépenses militaires du monde entier, montant supérieur aux budgets des dix puissances 
suivantes), va rendre encore plus offensif le fameux « complexe militaro-industriel » américain envers 
ses concurrents, dont les européens, sur les marchés européen et mondiaux. 

 

 


Le concept otanien de « Smart Defence » est une réaction compréhensible à la réduction des moyens 
des Alliés, mais si nous n’y prenons pas garde, il peut éponger ou cannibaliser les capacités 
européennes. Et cela d’autant plus que la standardisation au sein de l’OTAN favorisera l’achat par ses 
pays membres de matériels et d’armes américains à des coûts déjà amortis par la fabrication en très 
grande série, d’autant plus que la grande majorité des pays européens raisonnent en termes 
d’acheteurs « sur étagère », et donc à la recherche des moindres coûts, et non pas en producteurs ou 
en industriels, ce qu’ils ne sont pas, ou plus. 

 

Il faudra aussi être vigilant, en parallèle à la Smart Defence sur les réflexions en cours sur un recours 
accru au financement commun dans le contexte actuel de crise économique (par exemple pour financer 
certaines capacités dans les domaines de la défense antimissile, du renseignement ou de la 
cyberdéfense). L'extension du périmètre du financement commun aboutirait en fait à faire porter l'effort 
en priorité sur les principaux contributeurs de l'Alliance (les 5 principaux contributeurs apportent 68% du 
financement commun et les 14 contributeurs les moins importants 5,6%). Ceci équivaudrait pour 
certains Alliés, dont la France, à payer deux fois des capacités déjà développées en national et 
représenterait aussi un détournement du principe de solidarité au coeur de l'Alliance qui repose avant 
tout sur la volonté politique des nations pour faire face à leur responsabilités, en préservant notamment 
des capacités nationales ou multinationales. En revanche une réflexion sur une meilleure utilisation du 
financement commun, plutôt que son extension, serait légitime. 

 

 

Il faut donc une stratégie industrielle française, et européenne, dans l’OTAN 

Pour toutes ces raisons, cette situation appelle impérativement une stratégie industrielle, française et 
européenne, dans l’OTAN, et vis-à-vis de l’OTAN (comme dans l’Union européenne, voir plus loin), 
avec un repérage précoce des perspectives de contrats, par exemple dans les domaines couverts par 
la défense antimissile (tant qu’elle reste limitée et acceptable), et la Smart Defence, sur la base d’une 
répartition préalable claire des programmes entre l’OTAN et l’Agence Européenne de Défense. D’où 
l’importance de consolider le mécanisme informel mais essentiel de consultation entre le commandant 
suprême chargé de la transformation, SACT, et la directrice exécutive de l’AED pour la « déconfliction » 
des programmes de l’OTAN et de l’AED. La Direction Générale de l’Armement dont le rôle est crucial 
devrait être le bras armé de cette politique, dans le cadre des orientations fixées par l’Etat MAjor des 
armées et la Délégation aux Affaires Stratégiques. 

 

« Européanisation » de l’Alliance 

L’évolution tectonique des États-Unis, du Président Obama, devrait les y rendre accueillants, et on a 
noté la possible disponibilité de Washington. L’équipe nouvelle du Président Obama II pourrait 
comprendre qu’il n’y aura pas d’effort supplémentaire des Européens en matière de capacités militaires 
sans réveil de l’esprit de défense ; et que ce réveil n’aura pas lieu sans que les Européens soient invités 
par les États-Unis à prendre plus de responsabilités. En quelque sorte l’Alliance est victime en Europe 
de son trop grand succès : elle a dissuadé, elle a protégé, et elle a anesthésié l’esprit de défense chez 
les protégés. Face aux bouleversements du monde l’intérêt à long terme des États-Unis est que 
l’Europe soit un vrai partenaire, capable et fiable, fut il parfois incommode. L’appel rituel au « partage du 
fardeau » n’est pas suffisant, et de fait il reste sans effet. Malgré tout, brandir sans préparation 
l’étendard du « pilier européen », la belle formule de J.F. Kennedy, restée sans lendemain, ou de 
« l’identité européenne », réclamer un caucus européen, au sein de l’Alliance, risquerait d’être à la fois 
insuffisamment ambitieux et potentiellement provocateur. Même en 2012, cela pourrait rebraquer contre 
la France la technostructure otanienne, les responsables du département d’État et du Pentagone 
pourtant plus ouverts que dans le passé à une évolution, et tous les Alliés européens qu’inquiète déjà le 
« pivot » vers l’Asie. Cela peut nous paraître paradoxal et à courte vue, mais c’est ainsi : ces derniers 
ne veulent pas donner aux Américains de prétexte à se désengager plus ! Dans les enceintes 


européennes, réclamer un État-major de planification et de conduite des opérations, rencontre quelques 
vrais soutiens, mais réveille aussi des craintes de principe, et un blocage britannique. En revanche, en 
pratique, et au jour le jour, il existe de nombreuses occasions au sein de l’OTAN, et en particulier entre 
les ministres européens concernés, de renforcer la concertation ou la réflexion européenne en amont 
sur les questions traitées à l’OTAN, en relation avec les réflexions menées au sein de l’Union 
européenne. 

 

Le Président Obama ayant été réélu, la disponibilité américaine à une telle évolution pourrait être 
testée, sur des cas concrets, et pas de façon théorique. Elle pourrait l’être de plusieurs façons : 

 

En matière de capacités, en liant, dans la perspective du prochain Sommet de l’OTAN, le redressement 
des budgets de la défense en cas de retour à la croissance, et un « juste retour » pour les industries 
européennes de Défense, ce qui serait cohérent avec ce qui a été déclaré à Chicago. Sans attendre, 
nous devrions promouvoir (administrations et industriels) des solutions européennes (radars, satellites 
et intercepteurs) dans la défense antimissile balistique que nous avons acceptée, ce qui est urgent car 
le système de l’OTAN va entrer dans une phase programmatique cruciale. 

 

Dans le domaine politique, pour autant que nos partenaires européens se prêtent à une concertation en 
amont sur les questions relatives à l’OTAN il pourrait être envisagé en parallèle que les États-Unis 
soient consultés, voire associés, à certaines délibérations européennes par exemple celle du COPS. 

 

Dans le domaine des opérations, nous pourrions proposer que le mandat de la KFOR de l’OTAN soit 
transféré à l’Union européenne (en améliorant la gestion de l’opération européenne) car il serait 
cohérent que les Européens se sentent plus responsables de ce qui se passe sur leur continent. Par 
ailleurs, il pourrait être mis un terme à l’opération Ocean Shield de l’OTAN contre la piraterie au large de 
la Somalie (à l’issue de son mandat fin 2014), qui fait double emploi avec Atalante. 

 

Les ministres concernés pourraient se voir confier un mandat sur ces différents points. 

 

 

 

2) EUROPE DE LA DEFENSE : PERSEVERER, DE FACON PLUS CONCRETE EN ETANT PLUS 
LUCIDES ET PLUS EXIGEANTS 

 

On peut penser que la France doit continuer à plaider, malgré tout, en faveur d’une Europe de la 
défense dans le cadre de l’Union, et cela pour plusieurs raisons. Cela fait partie d’un projet plus général 
d’Europe politique au sens le plus fort du terme. Le Président Van Rompuy va présenter en décembre 
2012 une feuille de route à moyen et long terme pour une Union économique sous ses diverses formes, 
et une Union politique avec une architecture plus intégrée. La question de la Défense devrait être à 
l’ordre du jour du Conseil européen de décembre 2013 et celui-ci sera précédé au printemps précédent 
d’une communication de la Commission sur l’industrie de défense. Enfin nous n’avons pas intérêt à 
brader les acquis juridiques, procéduraux et humains des vingt années écoulées. 

 

Néanmoins nous ne pouvons pas nous borner à faire de la « relance de l’Europe de la défense » une 
priorité pour nous seuls, comme si de rien n’était, et comme si les obstacles et les échecs n’étaient pas 
évidents. La probabilité est en effet élevée que ces efforts se heurtent au même scepticisme poli et à la 
même force d’inertie que les précédents. Au sein de l’Union européenne, nous avons donc un choix à 
faire : persévérer en comptant sur le temps et les tumultes du monde pour créer, à la longue avec nos 
partenaires, une vraie conception stratégique commune, au-delà des déclarations d’intention ; ou 
clarifier la situation avec nos Alliés, en commençant par les plus grands en les interrogeant sur leurs 


intentions. Avec la Grande Bretagne cela signifie lui demander jusqu’où elle est prête à aller avec nous 
dans le cadre du Traité de Lancaster House ; si elle prendra des décisions budgétaires cohérentes avec 
ce Traité ; à quels autres partenaires européens elle est prête à ouvrir certains aspects de ce Traité et si 
elle accepte que soit créé un vrai centre européen d’analyse, de réflexion et de prévision stratégique. 

 

Avec l’Allemagne, cela signifie lui demander si le renforcement politique de l’Europe, qu’elle appelle de 
ses voeux, ne devrait pas se traduire par plus de décisions concrètes en matière d’industrie de défense, 
comme par plus d’engagements en matière d’opérations européennes extérieures, et par une 
concertation franco-allemande sur les questions traitées au sein de l’Alliance. 

 

Aux autres participants aux groupes Weimar, et Weimar +, il serait demandé de confirmer leurs 
engagements sur les projets sélectionnés par l’AED, sur des projets bi ou multi latéraux ou leur 
disponibilité pour participer à d’éventuelles opérations, et pour une concertation sur les questions 
traitées au sein de l’OTAN. 

 

Dans tous les cas, nous aurons intérêt à nous montrer plus lucides, moins déclaratoires et plus 
exigeants, à nous concentrer sur des objectifs concrets, à agir aux deux bouts de la chaîne, aux 
niveaux politique et industriel. 

 

 

A. Au Sommet, il y a un besoin urgent de (re)construire une vision stratégique commune à l’Union 
européenne, à commencer par ses dirigeants, réunis en Conseil Européen. L’Histoire n’est pas finie et 
elle se poursuit sous forme d’une compétition multipolaire instable. Avec ou sans nous ? Comment faire 
face aux menaces variées et diffuses, ré-encadrer la sphère financière dérégulée, devenue 
incontrôlable ; co gérer les mouvements mondiaux de population ; organiser la compétition multipolaire; 
s’adapter à la montée des émergents, qui va se poursuivre ; équilibrer le poids des émergés ; ralentir le 
lent affaiblissement du lien États-Unis/Europe ; se prémunir contre les incertitudes en Méditerranée, en 
Afrique, au Proche Orient et au Moyen Orient en concevant des coopérations nouvelles ; maîtriser les 
enjeux énergétiques et garantir la libre circulation maritime contre la piraterie ; organiser la vaste et 
longue transition écologique : tous ces défis imposent une vision stratégique, et non théorique, ou 
angélique. Sans le réveil d’une volonté politique forte, - celui de faire de l’Europe une puissance, pour 
éviter qu’elle ne devienne impuissante, et dépendante -, tous les mécanismes de l’Europe de la défense 
resteront sur le papier, partiels ou inanimés. Dans le cas inverse, ils se réveilleront. 


 

Le Sahel peut s’avérer un test à maints égards. 

 

 

B. Au niveau de la base industrielle et technologique de défense européenne, un bilan sans fard de ce qui 
a marché et de ce qui a échoué, et pour quelles raisons, et des capacités européennes encore valables 
est indispensable. Cela suppose d’examiner avec les cinq ou six pays concernés et d’abord avec la 
Grande Bretagne et l’Allemagne tous les projets du programme Smart Defence de l’OTAN ; de contester 
et de refuser ceux qui risqueraient de rendre sans objet des projets européens ; de renforcer le 
mécanisme OTAN/AED de « deconfliction » et de non duplication et de rechercher des synergies ; de 
favoriser les chances de nos industries à l’accès aux programmes Smart Defence non antagonistes ; 
d’obtenir un engagement vigoureux pour les projets de l’AED, qu’il faudra faire aboutir à tout prix. 


 

L’organisation administrative française devrait être conçue pour renforcer une politique d’alerte précoce, 
d’engagement, et de soutien, en liaison avec les industries. Une mise en réseau est nécessaire, c’est là 
aussi le travail de la Délégation Générale de l’Armement, complété par un pilotage politique. Une 


stratégie industrielle au sein de l’Union européenne est aussi nécessaire que la stratégie industrielle 
dans l’OTAN. Ce sont les deux faces d’une même médaille. 

 

 

3) UNE VISION FRANCAISE 


 

Dans tous les cas la France devra garder une capacité propre pour analyser et prévoir en amont, 
proposer, et contribuer à la planification, qui inspire son action et sa politique au sein de l’Union au sein 
de l’Alliance et avec des Européens. 

 

La mutation de la politique étrangère, et de défense, américaine et l’évolution incertaine du monde 
multipolaire instable, rendent plus nécessaire, et moins impossible, un rôle accru des Européens pour 
leur propre défense en attendant qu’ils l’assument un jour, pour l’essentiel, par eux-mêmes, tout en 
restant alliés des Américains. Cette politique doit être menée de front, simultanément, au sein de 
l’Union européenne, de l’OTAN, de groupes ad hoc, selon des tactiques adaptées à chaque cas et à 
chaque enceinte et en anticipant les échéances. C’est une politique audacieuse et décomplexée 
d’influence accrue dans l’Alliance qui facilitera les efforts européens de la France. Le maintien d’un 
certain niveau de capacité est bien sûr indispensable à sa réussite. 

 

 

 

 

 Hubert Védrine 

 14 novembre 2012


 

 

TABLE DES MATIERES 

 

 

 

I EVALUATION 3 

 

1- Rappel de l’Historique des relations entre la France et l’OTAN 3 
A- Le traité de Washington 3 
B- La sortie de 1966 3 
C- Le consensus 4 
D- La tentative de Jacques Chirac en 1995 5 
E- Le retour de 2009 5 


 

2- Évaluation des conséquences du retour 6 
A- Influence dans l’OTAN 6 
B- Les conséquences économiques et budgétaires 8 
C- Effets diplomatiques 9 
D- Les effets sur l’Europe de la défense 9 


 

3- Conclusion de l’évaluation 9 


 

 

II ALLIANCE, OTAN, EUROPE DE LA DEFENSE : 

ETAT DES LIEUX EN 2012 10 

 

1- Une Alliance dynamique et active 10 
A- État de l’Alliance 10 
B- Visions européennes de l’Alliance 13 
C- La vision américaine de l’Alliance 13 


 

2- L’Europe de la défense 14 
A- Des avancées limitées et fragiles, des espérances déçues 14 


malgré 25 ans d’effort 

B- Le partenariat avec le Royaume Uni et ses contraintes 18 
C- Les ambigüités allemandes 18 
D- Les autres Européens 18 


 

 

III RECOMMANDATIONS 19 

 

1) Dans l’Alliance : vigilance et influence accrues 19 
2) Europe de la défense : persévérer de façon plus concrète, plus lucide 22 


et plus exigeante 

3) Une vision française 24 


 

 

ANNEXE 

Lettre de mission du Président de la République à Hubert Védrine 


20/05/2014
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