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Remaniement ministériel : Les raisons du limogeage d’Adidjatou Mathys




Un seul vrai départ et une double innovation caractérisent le dernier remaniement du Gouvernement de Boni Yayi. D’une part, Mathys Adidjatou, précédemment ministre de l’Economie et des Finances, quitte le Gouvernement et laisse sa place à Jonas Gbian, jusque-là ministre des Mines et de l’Energie.


Celui-ci est remplacé par une nouvelle venue, Sofiatou Onifadé, directrice du centre des œuvres universitaires d’Abomey-Calavi depuis deux ans à peu près. D’autre part, le titulaire du portefeuille de la Défense est " bousculé " pour la première fois depuis six ans. Boni Yayi en prend lui-même les commandes et le précédent titulaire, Issifou Kogui N’Douro, tout en restant Ministre d’Etat, n’a plus qu’à s’occuper des affaires présidentielles.

Une bonne dose d’innovation se note dans la forme de la nouvelle équipe gouvernementale du Président Boni Yayi. Premièrement, le Chef de l’Etat lui-même est désormais chargé du portefeuille de la Défense nationale. Deuxièmement, un nouveau portefeuille ministériel apparaît : celui des affaires présidentielles. Seule à être débarquée du Gouvernement, la ministre de l’Economie et des Finances, Adidjatou Mathys est remplacée par Jonas Gbian, désormais ancien ministre de l’Energie et des Mines. Ce dernier passera service à la nouvelle venue au Gouvernement : Sofiatou Onifadé connue pour être directrice du centre des œuvres universitaires d’Abomey-Calavi.

En prenant les rênes du Ministère de la Défense nationale, Boni Yayi semble se mettre dans l’air du temps. Le schéma existe déjà, en effet, dans la sous-région ouest- africaine, notamment en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Dans le premier cas, le défi est celui de la création d’une armée républicaine tenant compte de l’unité nationale dont se veut garant le Président Ouattara. Le second cas est plutôt caractéristique de la fameuse " dictature éclairée " de Blaise Compaoré. Sauf malaise maîtrisé au sein de l’armée, le Bénin n’est pas en situation d’après guerre fratricide ; il ne reste donc plus que l’école burkinabè pour déterminer ce choix. Pour qui connaît le penchant du Chef de l’Etat pour la force, le présent contexte commande donc que l’entourage reste vigilant et ne le laisse pas à lui-même.

De la défense aux affaires présidentielles, Issifou Kogui N’Douro reste Ministre d’Etat. Deux sorts possibles l’attendent : ou il assure la postérité de Yayi, ou c’est la perte de vitesse d’un élément clé de la campagne de 2006 et qui aura tenu six ans sans discontinuer le ministère de la Défense nationale. En tous cas, avec lui, les Béninois voudront légitimement voir quel contenu peut avoir un tel portefeuille. Il n’est pas évident qu’il soit outre mesure différent de celui de Guy Adjanohoun sous le président Soglo à la veille de la présidentielle 1996. Réduit aux missions de bons offices auprès des leaders d’opinion et grands électeurs.

L’échec d’Adidjatou Jonas Gbian, lui par contre, va occuper le portefeuille des Finances. Il n’aura pas certes la connaissance de la maison comme celle qui la précède, mais en bon économiste et ancien conseiller technique du Chef de l’Etat, on peut le supposer suffisamment averti pour assumer. A la tête de son ancien portefeuille, une novice des fonctions gouvernementales : Sofiatou Onifadé. Elle est spécialiste du Management d’environnement et qualité.

Il n’est pas superflu de s’attarder sur le départ d’Adidjatou Mathys dont le parcours ne souffre d’aucune insuffisance technique pouvant justifier son limogeage. Fonctionnaire du ministère des Finances, elle a 29 ans de carrière et maîtrise les rouages du département ainsi que ceux des institutions financières sous-régionales, la Banque centrale entre autres. Ces quinze dernières années, elle est constamment restée au Trésor public dont elle fut Directrice générale puis au Cabinet du ministre des Finances. Son départ du Gouvernement ne devrait pas tenir à grand-chose. Au nombre des défis qui étaient les siens à son entrée au Gouvernement il y a un an, elle avait à arriver à bout de la fougue des syndicats des finances. Et malgré le départ du redoutable Mètongnon qui fut le champion de la revendication dans l’affaire Dangnivo, Madame Mathys n’a pas su, ni pu convaincre le Chef de l’Etat de maîtriser les travailleurs des finances. C’est là son échec.

Aussi son départ arrive au-lendemain des défalcations " sauvages " sur salaire aux enseignants, sans qu’on ne puisse faire un lien entre les deux faits. Mais il y a une autre raison à son départ qui est bien plausible : ce sont ses rivalités avec d’autres ténors de la majorité présidentielle dans la région de Porto-Novo. L’entrée au Gouvernement de Sofiatou Onifadé qui doit être d’une autre aile de cette majorité présidentielle de Porto-Novo, semble bien indiquer que Boni Yayi a choisi son camp.

Deuxième du genre depuis juin 2011, le présent remaniement du Gouvernement posera le problème de la hiérarchie entre le Premier ministre en charge de la coordination de l’action gouvernementale et le ministre de la défense nationale qui lui devrait compte rendu. Yayi Boni ayant pris en main un portefeuille ministériel, sera-t-il disposé, en la matière, à recevoir des consignes et rendre compte au Premier Ministre Koupaki ?

Olivier Assinou

Par Le Quotidien Adjinakou du 11 Avril 2012



11/04/2012
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