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Chroniqueur et Analyste politique Article complet: Sénégal : la jeunesse à la barre par Jerôme CARLOS Sénégal : la jeunesse à la barre

 

Un coup de fil qui change tout. Aboulaye Wade, ci-devant Président de la République du Sénégal, n’a pas attendu la proclamation officielle des résultats de la présidentielle du 25 mars. Il a pris le téléphone pour appeler son challenger Macky Sall et le féliciter de sa victoire. Ceci, dans la pure tradition des pays de vielles traditions démocratiques.
Un coup de fil inédit : celui qui vient de perdre une élection qu’il a organisée, félicite son vainqueur. Cela coupe court à toute spéculation. Le Sénégal se fait une exception en Afrique. Un coup de fil historique : la page des années Abdoulaye Wade, 85 ans, se tourne. S’offre au paraphe du Président Maky Sall, 50 ans, une page neuve, une page jeune. Un coup de fil qui sonne une transition générationnelle. C’est le passage du témoin entre le Sénégal de la génération des pères et des aînés (Moins de 10% de la population) et la jeune génération montante des Sénégalais (Plus de 60% de la population ont moins de 15 ans)
Ainsi, se ferme, au Sénégal, de très belle manière, la parenthèse électorale. Elle a été ouverte dans la tourmente. Les crispations de départ, annonciatrices d’un scrutin présidentiel heurté, se sont dissipées. Les présomptions de fraudes massives ont pu être contenues. Et c’est quasiment à la loyale que les deux candidats présents au second tour se sont disputés les suffrages des électeurs. Le verdict des urnes, qui s’impose désormais à tous, a la force d’un arrêt divin.
Par l’onction populaire, Macky Sall fait une entrée triomphale au Palais de la République. Abdoulaye Wade en ressort par la grande porte, la vertu d’un coup de fil aidant. Un coup de fil qui l’honore. Un coup de fil qui le grandit. Et c’est à ce beau geste final qu’Abdoulaye Wade aura réussi à attacher son histoire personnelle, son odyssée mouvementée d’opposant, l’image du président atypique qu’il fut.

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Mais cet épisode brillant du coup de fil qui hisse, tout d’un coup, le perdant d’une élection à la hauteur d’un héros positif ne doit pas fonctionner comme un miroir aux alouettes. Nous n’avons pas le droit d’occulter les raisons pour lesquelles le peuple sénégalais qui a massivement sacré et consacré Abdoulaye Wade « Pape du Sopi », c'est-à-dire du changement, en 2 000 n’a pas cru devoir lui renouveler sa confiance en 2012. Ces raisons doivent édifier Abdoulaye Wade et instruire Macky Sall.
Les Sénégalais n’ont pas beaucoup apprécié ce présidentialisme autoritaire et exubérant qu’a inauguré Wade. L’homme a envahi l’espace du pouvoir au point de ne laisser à ses collaborateurs que des rôles de figurants. Aussi sont-ils réduits à n’être que de simples faire-valoir ou des pions qu’il déplaçait au gré de ses humeurs.
Les Sénégalais n’étaient pas heureux de cette instrumentalisation constante de la loi. Qu’on en juge : la Constitution du Sénégal a été revue, corrigée et retouchée 15 fois en 12 ans, soit en moyenne, une fois tous les huit mois. Rien ne peut justifier, hors la logique politicienne, que l’on se serve de la loi pour anéantir la loi. L’armature juridique du Sénégal a fini par ressembler à un patchwork, du nom d’un tissu faits de morceaux disparates cousus les uns aux autres.
Les Sénégalais se sont inquiétés d’une grave dérive : la dévolution monarchique du pouvoir. Tout semblait leur donner le sentiment que le Président, plutôt que de s’en tenir aux règles de succession démocratique, a constamment cherché à dérouler le tapis rouge aux siens, à tailler un destin à son fils Karim Wade, en particulier.
Les Sénégalais nourrissaient le ressentiment que le Président, à cause de son grand âge, ne sentait plus battre le cœur collectif du Sénégal. Comme s’il ne comprenait pas qu’il était à la tête d’un pays jeune dans sa substance humaine, un pays qui ne pouvait plus se satisfaire du leadership d’un homme d’un âge certain, fût-il le plus génial des messies.
Ne parlons pas de la demande sociale de plus en plus forte, face à l’enrichissement de plus en plus en plus rapide d’une poignée de citoyens. Ceux-ci ont trouvé dans la politique leur mangeoire et leur abreuvoir. Le verdict du 25 mars cache une ambition : ouvrir l’ère du « Yakar », c’est-à-dire de l’espoir. C’est le slogan de campagne du candidat Macky Sall. Bienvenu au palais de la République, Monsieur le Président !

Jérôme Carlos



28/03/2012
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