BENIN:Nos trois douloureuses
L’usage a consacré « Les trois glorieuses ». Le Bénin est-il en passe de consacrer à son tour « Les trois douloureuses » ? Allusion à trois foyers de crise qui affectent trois secteurs essentiels de la vie nationale. Le Port autonome de Cotonou. Ce poumon de l’économie nationale est malade du PVI, ce Programme de Vérification des importations destiné pourtant à lui donner des couleurs. L’Ecole. Elle est paralysée par une grève des enseignants du secondaire public. Enfin le football. La Fédération béninoise de Football n’en finit plus de s’engluer dans ses contradictions internes, avec le risque d’une mise en quarantaine du Bénin par la Fédération Internationale de Football Association (Fifa).
Ces trois foyers de crise, tel un cancer, font courir à notre pays un risque majeur. Il n’est donc que juste de parler des « Trois douloureuses ». C’est douloureux, en effet, pour un pays de se mettre à la diète forcée. Les ressources attendues de son port se rétrécissent, jour après jour. C’est douloureux pour un pays d’avoir à gérer un véritable gâchis humain. Le spectre d’une année blanche plane sur l’école. C’est douloureux pour un pays d’entrevoir la dégradation de son football : stades fermés, joueurs au chômage, dirigeants à la casse, supporters à la peine…
A quelque chose, dit le proverbe, malheur est bon. Parce que le malheur sait être un bon professeur aux enseignements utiles et édifiants. Ainsi, en nous appesantissant sur nos « trois douloureuses », nous aurons plus de chance d’en apprendre plus sur nous-mêmes. Avec la possibilité d’accéder à la bonne formule pour une sortie de crise honorable, sans casse majeure ni dommage irréparable.
Nos « trois douloureuses », à l’analyse, présentent des caractéristiques communes. Les unes et les autres révèlent une manière bien béninoise de gérer les crises. Autant dire, pour ne pas tourner inutilement autour du pot, que c’est mauvais. Mauvais dans la conception. Mauvais dans les intentions. Mauvais dans l’approche et la démarche.
Première caractéristique. Nous focalisons, chaque fois, sur les personnes, plutôt que de prendre le temps et la peine d’examiner le problème posé en profondeur. Le PVI nous montre, s’élançant droit vers le ciel de nos turpitudes, Talon. C’est le patron de Bénin control, entité gestionnaire agréée du PVI. Mais c’est pour mieux nous cacher la forêt de de nos calculs politiciens, de nos grenouillages dans le marigot nauséabond de toutes nos compromissions. La grève des enseignants a déjà désigné ses moutons du sacrifice en la personne des responsables syndicaux. Au lieu d’offrir en holocauste les têtes d’affiche d’une grève pourquoi n’affichons-nous pas la volonté politique de conjurer cette grève et de sauver l’année scolaire ? Le football ne nous inspire aucune forme de remue-méninges pour un salutaire remue-ménage. Nous préférons nous limiter à conjuguer tout le temps et à tous les temps Sébastien Adjavon et Anjorin. Franchement, n’y a-t-il pas mieux à faire ?
Deuxième caractéristique. Nos « trois douloureuses » ont un dénominateur commun : la gouvernance. Le PVI n’a pas été engagé dans des conditions qui lui auraient garanti un succès immédiat. Défaut de programmation, de communication, de concertation et de participation responsable. La grève des enseignants nous fait récolter ce que nous avons semé. Trop de promesses mises en terre, sans moyens suffisants de les porter à terme et de les tenir. On peut comprendre qu’à l’heure de la récolte, il y a plus de bruits que de fruits à partager. Le football exhale une forte odeur de fric, sans que l’on puisse dire si c’est pour le bien ou si c’est pour le malheur de notre sport roi.
Troisième caractéristique. L’absence, au niveau de chacune de nos « trois douloureuses » d’une main arbitrale secourable, sous la forme d’un leadership conciliateur. Personne pour prodiguer au gouvernement de sages conseils dans le pilotage du PVI. Personne pour avaliser les garanties qu’attendent les enseignants pour un retour de la confiance. Personne, au niveau de notre football, pour servir de tampon salutaire dans la guerre des chefs, amortir le choc des intérêts et des ambitions de ces derniers. Voilà, nous venons de mettre le doigt sur certains de nos maux. Vivement donc que nous transformions nos « trois douloureuses » en « trois glorieuses ». Nous le devons à notre pays.
Jérôme Carlos
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