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BENIN:Edito: L’asphyxie des entreprises

 

Le dernier rapport Mo Ibrahim qui classe les pays africains sur le plan de la gouvernance a été rendu public ce lundi. Cette année, le Bénin se retrouve dix-huitième sur cinquante deux pays. Dans l’ensemble, ce n’est pas une bien mauvaise position quand on sait que notre pays se retrouve devant des pays comme le Burkina Faso (21ème), le Gabon (27ème), le Cameroun (34ème),  le Togo (36ème), le Nigeria (37ème) ou la Côte d’Ivoire (40ème sur 52 Etats). Le pays le mieux géré d’Afrique est l’Ile Maurice suivi du Cap Vert, du Botswana, de l’Afrique du Sud et des Seychelles, selon le rapport. Là où la gouvernance est désastreuse, c’est la Somalie, le Tchad, la Guinée Bissau, l’Erythrée ou encore la République Centrafricaine. Le Bénin est bien quatrième en Afrique de l’Ouest après le  Cap Vert, le Ghana et le Sénégal.

Allons maintenant dans les détails. Car, c’est là où l’on découvre qu’au lieu de progresser, le pays stagne ou même recule par endroits. Pour ce qui est du développement économique durable, le Bénin est 25ème sur les 52 pays classés, mais il a carrément régressé ces cinq dernières années, avec une évolution négative de – 3,5%. Sur les dix dernières années, on parlera d’une stagnation, puisque notre pays enregistre une évolution négative de – 0,01% au plan économique,  selon le rapport>

Autrement dit, l’économie béninoise n’a pas vraiment évolué depuis 2004.

Ainsi, pour l’environnement des entreprises par exemple, le Bénin est 41ème sur 52 pays, c’est-à-dire qu’il se trouve pratiquement parmi les tout derniers en Afrique. De 2012 à 2013, ila connu une véritabledégringolade dans le domaine  avec une perte d’environ 15 points puisqu’il est passé de 37 points en 2012 à 22,6 sur 100 en 2013. D’entre tous, cet indicateur économique est le plus mal en point. Si la Fondation Mo Ibrahim  devrait opérer quelques comparaisons utiles, elle dirait simplement que l’entreprise béninoise souffre largement plus que la plupart des entreprises d’Afrique. Cette situation pourra peut-être se résorber dans le futur, mais il est un fait que l’entreprise au Bénin évolue dans un environnement peu incitatif marqué par la crise et la dérégulation.

        Dérégulation parce que contrairement à  la plupart des pays du monde, le Bénin est soumis à la loi de l’informel qui occupe 98% de ses entreprises, tous secteurs confondus. Si vous tentez, par exemple, de vendre du savon produit au Bénin, de l’huile végétale d’origine ou encore des chaussures fabriquées chez nous, vous aurez la désagréable surprise de constater que le marché de chacune de ces marchandises est occupé par la contrefaçon venant d’ailleurs. Chine, Nigeria ou autres pays d’Asie nous assaillent avec une foule de produits bon marché. C’est du pain béni pour les consommateurs pauvres qui veulent des produits à vil prix, même lorsque la qualité doit s’en ressentir. L’exemple le plus désastreux est sans doute les produits de l’industrie culturelle, notamment, les films, les chansons et le théâtre. Malgré la répression, CD  et DVD issus de la contrefaçon se vendent à vil prix et dans la rue, décourageant toute entreprise désireuse d’y investir. Résultat, la rentabilité de l’industrie culturelle est basse, si basse qu’on peut voir certains de nos artistes prendre leur courage à deux mains et se lancer, eux-mêmes, dans la vente de leur production, dans la rue, les carrefours ou au marché. Ce n’est pas seulement triste. C’est dangereux pour le futur.

Bien sûr, si l’environnement des entreprises est ce qu’il est aujourd’hui, il y a également le poids du politique. La politisation outrancière de tout est une maladie qui s’est aggravée chez nous depuis 2006. Les opérateurs économiques entrent en politique pour ne pas subir le diktat du pouvoir ou pour en bénéficier. Mais ils en subissent les inconvénients de plein fouet. Regardez donc : presque tous les gros bonnets des affaires qui sont allés en politique ont vu leurs entreprises tomber en ruine. Les deux mondes ne sont pas incompatibles, mais la rationalité politique est totalement étrangère à la rationalité de l’entreprise.  Cela d’autant plus que depuis quelques années l’on voit comment le pouvoir lui-même s’est mis en tête de régler ses comptes aux opérateurs économiques qui  seraient pour lui des menaces. La communauté internationale comptabilise les éléments de ces acharnements qui ruinent notre image de marque auprès des investisseurs étrangers…

Que dire de la corruption, des lourdeurs administratives et de l’incompétence de nos cadres, sinon qu’elles freinent notre élan vers le progrès. L’indice Mo Ibrahim ne nous donne pas d’autre choix : si nous voulons que le Bénin avance, il sera nécessaire de tenir compte du fait que les autres nous regardent.

 Par Olivier ALLOCHEME



01/10/2014
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