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APRES 50ans d'indépendances etes vous optimiste ou pessimiste quant au bilan économique de l'afrique,

1. Après 50 ans d’indépendance, êtes-vous optimiste ou pessimiste quant au bilan économique de l’Afrique ?

 

Je vous remercie pour l’invitation. Bien sûr qu’il y a lieu de rester optimiste pour le futur de l’Afrique. Mais ce futur va dépendre de la véritable volonté politique des dirigeants africains pris collectivement. Il y a lieu aussi d’introduire une réelle anticipation avant les arbitrages et choix économiques. Enfin, il n’est pas possible de continuer avec une gouvernance de la médiocrité et de la sous-traitance, parfois sous perfusion budgétaire venant de l’extérieur, justement des anciennes puissances coloniales ou par l’intermédiaire des institutions internationales, régionales ou bilatérales. Quant au passé, le constat reste bien mitigé et même franchement négatif en référence à l’Asie. Le Ghana et la Corée avaient les mêmes niveaux de développement en 1962. Il suffit de comparer les deux pays aujourd’hui. Mais il y a lieu de différencier entre les Etats selon leur géographie, leurs ressources, leur gouvernance et le rôle de l’armée. Le bilan de 50 ans sur une véritable appropriation de la souveraineté africaine est négatif tout particulièrement au plan culturel, économique et social. Au fond, dans les pays francophones, la volonté de l’ex-colonisateur de faire des pays africains francophones des pays « assimilés » n’a pas réussi. On est donc bien dans une transition où les dirigeants qui ont choisi l’assimilation et le travail de sous-traitance pour les intérêts étrangers sont en train de disparaître malgré les résistances. Il faut remercier le développement de l’information et de l’internet où la censure et la désinformation ne fonctionnent plus.

Il y a lieu de reformuler votre question : l’Afrique est-elle trop dépendante de ses bailleurs de fonds (privés et publics) qui ont besoin des matières premières africaines ? En conséquence, le principe de conserver l’Afrique dans un état permettant de servir de réservoir de ressources et de variables d’ajustement n’a pas disparu. Les modalités d’exécution de cette stratégie ont évolué, sont moins visibles et la complicité de certains de nos dirigeants perdure.

En comparant l’Afrique avec les autres régions du monde (Europe occidentale, Asie du sud-est, Amérique latine et Caraïbes), le bilan économique était positif au cours de la période 1960-1970, puis s’est profondément détérioré entre 1970-2000 pour retrouver un nouveau souffle aux environs de 1997. A partir de cette date, l’Afrique se retrouve avec un taux de croissance constant de son produit intérieur brut (PIB) en moyenne autour de 5,5 % sauf  au cours de 2009 où il est tombé à 1,1 % du fait des conséquences de la crise financière de 2008 et les excès de dérégulation. En définitive, beaucoup de dirigeants africains ont choisi de donner une priorité supérieure aux intérêts extérieurs sans oublier les leurs, ce qui fait oublier ou fait passer comme priorité seconde le bien-être des populations.

En ayant préféré l’endettement au lieu d’investissements productifs, beaucoup de dirigeants se sont fait piéger, espérant ne jamais rembourser une grande partie de cet endettement et les taux d’intérêts dolosifs. Ainsi, la plupart des dirigeants ont rejeté la vérité qui fâche, ont refusé d’anticiper et, en conséquence, n’ont pas considéré la distribution des fruits de la croissance comme une priorité. Au demeurant, lorsque ces points venaient à émerger du fait de la société civile et les contre-pouvoirs, beaucoup de dirigeants choisissaient d’envoyer l’armée pour réprimer leur population. En 50 ans, le pouvoir d’achat a été très inégalitairement distribué. Cela a contribué à créer un niveau élevé de pauvreté permanente sans un système d’entreprenariat distribué qui aurait servi de levier pour créer des emplois, pour servir les marchés de proximité, faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat à partir des ressources locales et promouvoir les capacités productives et l’innovation.

Au niveau des chiffres, la contribution à la prospérité entre 1960 et 2010 pour les 15 pays de la zone franc a chuté, passant de 27 % à 16 % du PIB alors que les pays non francophones africains sont passés de 73 % à 84 % du PIB (source FMI et Banque mondiale). Aussi, la Gouvernance des pays francophones africains crée de moins en moins de richesse, avec ou sans une véritable démocratie. Au cours de ces cinq décades, la zone franc n’a pas fait mieux que le marché commun de l’Afrique australe et de l’est (COMESA). Les pays disposant de ressources commercialisables comme le pétrole et les minerais ont engrangé des richesses mais ont pour la plupart failli quant au transfert de ces richesses accumulées vers des structures productives. Il n’y a pas eu d’anticipation de la création de valeur ajoutée par l’entreprenariat, base de la création et de la pérennisation de la richesse. Le lien productif entre agriculture-industrie-commerce a été systématiquement empêché avec un véritable blocage de l’essor du secteur privé local qui s’est intéressé à la production. Les politiques d’exportation ont été privilégiées aux dépens des politiques de subsistance et de proximité. Plus de 68 % des importations africaines consistent en produits manufacturés, alors que le continent exporte 70 % d’hydrocarbures et de minerais au plan mondial. Rappelons d’ailleurs que l’Afrique reste déficitaire en termes de produits agricoles car le continent a une balance négative de près de -6 % dans la part du commerce mondial (OMC, Statistiques commerciales, 2008). Tout ceci a conduit à la mise en place d’un système de dépendance et d’assistanat pour la majorité des Africains. Il va de soi que la corruption et les systèmes autocratiques de parti unique n’ont pas facilité les choses.

Si c’est cela qu’il faut fêter lors de 50 ans d’indépendance, alors l’Afrique se trompe encore une fois. D’ailleurs, il est préférable de réfléchir et faire de l’introspection et formuler des propositions pour le futur dans des  « espaces de palabres constructifs » plutôt que de faire de cet anniversaire une fête, coûteuse au demeurant, qui n’apporterait aucun changement de trajectoire dans les réflexions, les comportements et les arbitrages futurs.



26/03/2010
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